Bataillons de drones : les défenses numériques de Kiev redoutent une contre-offensive
Les unités de drones vivent des jours difficiles le long des lignes de défense fragiles en Ukraine, où la pression russe contribue à l’épuisement de ces forces, malgré leurs succès tactiques.
Dans un abri chauffé et tapissé de planches de bois, la mission de Dmytro consiste à surveiller les équipes de drones déployées sur la ligne de front et à leur apporter un appui opérationnel.
Des dizaines de séquences vidéo peuvent parvenir simultanément sur son écran depuis un secteur particulièrement actif du front, s’étendant approximativement de Pokrovsk à Houliaïpole, à une cinquantaine de miles à l’est de la ville de Zaporijjia. Il doit les analyser en un temps record, identifier les cibles, puis déclencher l’envoi d’autres drones pour les frapper.
Le soldat ukrainien, membre du bataillon 423, passe d’une vidéo à l’autre via le système électronique ukrainien Delta, étudiant chaque séquence avec attention.
Les images les plus floues proviennent de drones FPV à usage unique, tandis que les prises de vue les plus nettes sont captées par des drones Mavic disponibles dans le commerce.
À un autre point du dispositif, un drone bombardier est visible, et les munitions disponibles apparaissent en vert sur le système numérique.
Ce tableau est devenu familier le long du front ukrainien. Toutefois, la réalité opérationnelle y demeure extrêmement complexe, selon Dmytro et son commandant Kostia, qui évoquent un terrain difficile, caractérisé par de vastes plaines agricoles parsemées de villages détruits.
Kostia souligne que la géographie complique considérablement la défense face aux forces russes. « Il y a énormément de champs ouverts. Si nous perdons l’avantage du relief, nous devrons reculer de plusieurs kilomètres », explique-t-il.
Une offensive russe
Récemment, une attaque russe à l’est de Houliaïpole a pris de court les défenseurs ukrainiens, incapables de résister à la pression soudaine, ce qui les a contraints à céder environ six miles de terrain.
Dans ce contexte, Serhii Kouzan, directeur du Centre ukrainien pour la sécurité et la coopération, estime que ces difficultés résultent en partie de la concentration excessive des forces ukrainiennes dans l’est du pays.
Il précise : « En raison du fort déploiement à Pokrovsk et Myrnohrad, les réserves ont été épuisées, ce qui a rendu possible l’attaque à l’est de Houliaïpole. »
Bien que les drones Mavic ukrainiens offrent d’excellentes capacités de reconnaissance, permettant à des opérateurs expérimentés de détecter le moindre mouvement à plusieurs centaines de mètres, les forces russes ont su exploiter les brouillards fréquents de la fin de l’automne.
À l’inverse, lorsque le ciel est dégagé, les équipes de drones assurent une défense continue. Les soldats russes avancent alors un par un ou par petits groupes vers des positions prédéfinies, tentant d’échapper aux drones létaux qui survolent la zone. Leur repérage et leur neutralisation restent toutefois relativement aisés.
En novembre, le bataillon 423 a annoncé avoir éliminé 418 soldats russes.
Son commandant, Vitali Hirsak, souligne que l’unité n’a été créée qu’en novembre dernier, illustrant le caractère récent et évolutif de la guerre des drones.
Malgré les succès revendiqués par les unités de drones et le nombre élevé de pertes infligées à l’adversaire, deux opérateurs expérimentés du bataillon Da Vinci Wolves, déployés dans la région de Dnipropetrovsk, s’interrogent sur leur capacité à maintenir ce niveau d’intensité défensive face à la pression russe.
L’un d’eux confie : « Je pense pouvoir tenir encore six mois. Pas plus. »
