L’insistance iranienne à parrainer le Hezbollah met à l’épreuve les limites de la souveraineté libanaise
L’Iran persiste à intervenir dans les affaires libanaises et ignore les appels de Beyrouth au respect de la souveraineté nationale.
Téhéran a réaffirmé publiquement son soutien au Hezbollah libanais à travers des déclarations officielles reflétant l’attachement de la direction iranienne à son approche régionale, malgré les critiques émises par des responsables libanais dénonçant ce qu’ils qualifient d’ingérence directe dans les affaires intérieures du pays. Ces positions ont été exprimées lors d’une rencontre politico-organisationnelle tenue dans la capitale iranienne, ravivant le débat sur la nature du rôle iranien au Liban et les limites de sa relation avec le Hezbollah.
Lors de la réception d’Abdallah Safieddine, représentant du Hezbollah en Iran, Ali Akbar Velayati, conseiller du guide suprême iranien Ali Khamenei pour les affaires internationales, a souligné que le parti constitue l’un des piliers fondamentaux de ce que l’on appelle le « front de la résistance », estimant que son rôle est central dans la confrontation avec Israël. Velayati a affirmé que l’Iran, conformément aux « orientations » du guide suprême, poursuivra son soutien total au Hezbollah, une position en contradiction avec les appels croissants au Liban en faveur du respect de la souveraineté de l’État et de la non-ingérence dans ses décisions internes.
Les médias iraniens ont rapporté les propos de Safieddine lors de cette rencontre, affirmant que « le Hezbollah est aujourd’hui plus fort que jamais », soulignant qu’il est « prêt à défendre l’intégrité territoriale du Liban et son peuple », et réaffirmant que le parti « ne déposera ses armes en aucun cas ». Il a ajouté que la décision de riposter contre Israël reste envisageable dès qu’elle sera prise, en référence à un état de préparation militaire permanent.
S’adressant au conseiller de Khamenei, Safieddine a déclaré : « Depuis la fondation du Hezbollah, vous avez été parmi ses soutiens les plus éminents et vous avez joué un rôle efficace et décisif dans l’appui à la résistance, notamment durant la guerre des seize jours. » Il a estimé que ce soutien a contribué, selon ses termes, à « contraindre Israël, pour la première fois, à accepter un cessez-le-feu approuvé par les Nations unies », ce qui a conduit à la stabilisation de la frontière sud du Liban avec la Palestine.
Les responsables iraniens ignorent les répercussions de la guerre sur le Liban, en particulier les pertes humaines et matérielles, ainsi que la perte de territoires dans le sud du pays, alors même que des appels sont lancés à Israël pour qu’il s’en retire.
Ces déclarations interviennent malgré des positions antérieures du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, qui avait affirmé, dans un message publié sur la plateforme X en novembre dernier, que « l’Iran n’intervient pas dans les affaires intérieures du Liban », appelant à un dialogue direct entre Beyrouth et Téhéran et ajoutant qu’« il n’y a pas besoin d’un pays tiers ».
Toutefois, cette position a rapidement été démentie dans les faits, après qu’Ali Akbar Velayati a déclaré, dans une interview accordée à l’agence iranienne Tasnim, que « la présence du Hezbollah est aujourd’hui plus nécessaire au Liban que l’eau et la nourriture », affirmant que « l’Iran a soutenu et continuera de soutenir le Hezbollah et le front de la résistance ». Ces propos ont suscité de vives réactions dans les milieux officiels libanais.
En réponse directe, le ministre libanais des Affaires étrangères, Youssef Rajji, a publié un message sur la plateforme X adressé à son homologue iranien, dans lequel il a écrit : « J’aurais vraiment voulu accepter vos propos selon lesquels l’Iran n’intervient pas dans les affaires intérieures du Liban, si le conseiller de votre guide n’était pas apparu pour nous expliquer ce qui est “important” au Liban et nous avertir des conséquences du désarmement du Hezbollah. »
À la suite de cet échange public, Abbas Araghchi a adressé une lettre officielle écrite à Youssef Rajji, l’invitant à se rendre prochainement à Téhéran pour des discussions sur les relations bilatérales et l’évolution de la situation régionale. Le ministre libanais a toutefois annoncé par la suite qu’il n’entendait pas répondre à cette invitation pour le moment, proposant que toute éventuelle discussion se tienne dans un « pays tiers neutre », sur la base claire du respect du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures libanaises.
En réaction à cette position, Araghchi a qualifié les déclarations de Rajji de « surprenantes », estimant, dans une autre publication sur X, qu’il est « évident » que les ministres des Affaires étrangères des deux pays « n’ont pas besoin d’un lieu neutre pour se rencontrer », illustrant la persistance des divergences politiques et diplomatiques entre les deux parties quant à la nature de leur relation et aux limites de l’influence.
De nombreuses forces politiques libanaises, ainsi que des acteurs régionaux, tiennent Téhéran pour responsable d’avoir entraîné le Liban dans une guerre asymétrique avec Israël en incitant le Hezbollah à l’escalade.
