Une paix fragile sans nucléaire… la faille dangereuse dans le règlement ukrainien
Au milieu de l’intensité des initiatives diplomatiques et des cartes politiques proposées pour mettre fin à la guerre en Ukraine, le « nucléaire » demeure présent en tant que grand absent de la table des négociations.
Derrière les débats publics sur le cessez-le-feu, les frontières et les garanties de sécurité, se cache l’équation de la dissuasion nucléaire, un facteur déterminant qui a façonné le cours de la guerre depuis son premier jour et qui continue de définir les limites du possible et de l’interdit dans les calculs de Washington, de Moscou et de Kiev.
La question se pose donc : peut-on régler la guerre sans traiter la racine nucléaire de la crise, ou bien une paix différée sur cette base ne serait-elle qu’une trêve fragile, susceptible d’exploser à tout moment ?
Le site américain The National Interest affirme que la fin de la guerre en Ukraine nécessite un accord entre les États-Unis et la Russie sur les armes nucléaires.
Alors que les États-Unis, la Russie, l’Ukraine et la majorité des pays européens discutent d’un accord de paix pour mettre fin au conflit ukrainien, un aspect essentiel de la résolution du différend reste largement absent des débats publics : la question des armes nucléaires et leur importance dans le comportement de la Russie, de l’Ukraine et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) après la guerre.
Dans les années 1990, l’Ukraine avait renoncé à ses armes nucléaires en échange d’un accord entériné par la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni, garantissant
sa souveraineté future après l’ère soviétique. Toutefois, le déclenchement de la guerre en 2022 a vidé cet accord de sa substance, selon The National Interest.
Il est certain que de nombreux Ukrainiens se sont interrogés sur le cours qu’aurait pu prendre l’histoire s’ils avaient conservé ne serait-ce qu’une fraction de leur ancien arsenal nucléaire.
Plan de paix
Dans le contexte des discussions autour d’un plan de paix visant à mettre fin aux combats entre l’Ukraine et la Russie, aucune partie aux négociations n’a proposé le redéploiement d’armes nucléaires en Ukraine. Néanmoins, les questions liées aux armes nucléaires et à la dissuasion nucléaire continuent de projeter leur ombre sur de nombreuses propositions destinées à mettre un terme à la guerre en cours.
Depuis le début du conflit au début de l’année 2022, le président russe Vladimir Poutine a proféré des menaces voilées et explicites d’utiliser des armes nucléaires à titre préventif s’il estimait, selon son appréciation et la doctrine de l’armée russe, que les actions de l’Ukraine soutenue par l’OTAN risquent d’infliger une défaite décisive à la Russie ou de constituer une menace réelle pour elle.
Selon The National Interest, ces menaces nucléaires répétées ont probablement contribué à dissuader les États-Unis et l’OTAN de fournir à l’Ukraine certains de leurs missiles avancés à longue portée, qui auraient pu porter des coups décisifs aux points faibles de l’appareil militaire russe et de son infrastructure économique.
La question centrale est désormais de savoir à quoi s’attendre de la Russie à l’avenir en ce qui concerne son comportement après un accord de paix avec l’Ukraine, et quel rôle jouera la coercition nucléaire dans sa stratégie politique et militaire. Cette interrogation en entraîne une autre : un accord de paix devrait-il chercher à prévenir les menaces nucléaires d’après-guerre en intégrant des protocoles relatifs au déploiement des armes nucléaires, à leur menace et à leur éventuel emploi ?
À titre d’exemple, la Russie a déjà clairement indiqué qu’elle n’accepterait pas, dans le cadre de tout accord de paix, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Mais quelle garantie de sécurité alternative peut alors être offerte à Kiev ?
L’adhésion à l’Union européenne pourrait constituer une option, mais le bloc ne dispose pas de capacités militaires suffisantes pour dissuader la Russie. Une autre alternative pourrait être un réarmement ambitieux des États européens membres de l’OTAN, un processus déjà en cours, mais dont le chemin reste long.
D’un autre côté, la question de la dissuasion nucléaire demeure pendante, même avec l’amélioration notable des capacités militaires conventionnelles des États européens membres de l’OTAN.
Ce qui suscite une inquiétude particulière, c’est l’asymétrie entre les armes nucléaires russes non stratégiques ou tactiques, déployées ou facilement mobilisables, et celles dont disposent, dans les mêmes conditions, les États-Unis et leurs alliés au sein de l’OTAN.
Bien que la France et le Royaume-Uni possèdent leurs propres forces nucléaires, on ne peut présumer qu’elles soient prêtes à défendre l’OTAN plutôt que leurs intérêts nationaux respectifs.
Ce déséquilibre dans le nombre d’armes nucléaires « utilisables », combiné aux forces nucléaires stratégiques, crée une faille potentielle dans la stratégie de dissuasion.
S’ajoute à cela le fait que l’OTAN, en tant qu’organe consultatif multinational, requiert un consensus unanime de ses États membres avant toute décision de recourir en premier à l’arme nucléaire ou d’y répondre. Cette contrainte limite sa capacité à maintenir une dissuasion nucléaire crédible.
Pour toutes ces raisons, un accord d’après-guerre entre les États-Unis, l’OTAN, la Russie et l’Ukraine devrait définir au minimum quatre protocoles relatifs aux armes nucléaires et à leur rôle dans les politiques publiques.
Premièrement, les différentes parties devraient s’engager à s’abstenir de proférer des menaces nucléaires explicites les unes à l’encontre des autres, quels que soient leurs différends politiques ou militaires.
Deuxièmement, tous devraient convenir que Kiev ne fabriquera ni ne déploiera d’armes nucléaires sur son territoire, et que Moscou ne déploiera aucune de ses armes nucléaires tactiques dans les régions ukrainiennes qu’elle contrôle ni dans les pays voisins.
Troisièmement, les États-Unis et la Russie devraient reprendre les négociations sur le traité New START en acceptant la prolongation d’un an proposée par Moscou pour l’accord arrivant à expiration en février 2026, et en traitant la question de la transparence concernant les armes nucléaires non stratégiques, voire en s’accordant sur des limites à leur déploiement.
Quatrièmement, la question de la nouvelle génération d’armes nucléaires et de leurs systèmes de vecteurs devrait être intégrée aux discussions en cours sur la limitation future des armements.
