Politique

Le bombardier le plus cher de l’histoire… le B-2 Spirit et la facture de la suprématie américaine


Il ne s’agit pas simplement d’un bombardier furtif, mais de l’incarnation concrète du prix que paie une superpuissance pour atteindre une supériorité absolue.

C’est l’avion furtif B-2 Spirit, qui évolue en dehors des équations traditionnelles de coût. Chaque décollage se transforme en facture ouverte, chaque heure de vol en une ponction soigneusement calculée, destinée à préserver le prestige de la dissuasion américaine et sa capacité à pénétrer les espaces aériens les plus lourdement défendus. Conçu pour rester invisible aux yeux de l’ennemi, cet appareil est en revanche parfaitement visible dans les budgets de la défense.

À l’approche de l’entrée en service du B-21 Raider, le B-2 apparaît comme un modèle classique d’arme technologiquement en avance sur son temps, mais qui paie aujourd’hui le prix d’une naissance prématurée, à une époque où la furtivité ne pouvait pas encore être rendue moins coûteuse et plus durable.

Pourquoi un coût aussi exceptionnel ?

Selon The National Interest, le nombre très limité de B-2 dans la flotte de l’US Air Force, combiné à la maintenance extrêmement exigeante du revêtement furtif, entraîne des coûts de soutien atteignant environ 200 000 dollars américains par heure de vol.

Le coût unitaire d’un bombardier B-2 Spirit s’élève à 2,1 milliards de dollars américains. Ce prix vertigineux s’explique en grande partie par les investissements colossaux consentis en recherche et développement pour la technologie furtive, ainsi que par le fait que seulement 21 exemplaires ont été construits.

Le prix d’acquisition ne représente toutefois qu’une partie de la dépense totale. Les coûts d’exploitation varient entre 150 000 et 200 000 dollars par heure de vol, selon le site américain The National Interest.

Le média précise que ces coûts élevés ne sont pas uniquement dus à la consommation de carburant ou à la taille de l’équipage, mais surtout à la maintenance de la furtivité, à des infrastructures hautement spécialisées et à une production limitée empêchant toute économie d’échelle.

Le maintien en service d’un appareil aussi onéreux que le B-2 Spirit constitue d’ailleurs un facteur déterminant dans la décision de l’US Air Force de le retirer du service dans un avenir proche.

Le B-2 Spirit est entré en production en 1997. Vingt et un bombardiers ont été fabriqués, dont dix-neuf sont encore en service opérationnel.

L’appareil mesure 21 mètres de long, possède une envergure de 52,4 mètres et affiche une masse maximale au décollage de 152 200 kilogrammes. Il est propulsé par quatre turboréacteurs General Electric F118-GE-100.

Sa vitesse maximale se situe entre 1 010 et 1 045 kilomètres par heure, avec un rayon d’action d’environ 11 112 kilomètres sans ravitaillement en vol.

Son plafond opérationnel atteint environ 15 240 mètres et sa charge utile avoisine 18 000 kilogrammes de munitions, incluant des armements nucléaires et conventionnels, des bombes guidées de précision et des munitions à longue portée. L’équipage se compose d’un pilote et d’un commandant de mission.

Le B-2 Spirit utilise une ancienne génération de matériaux absorbant les ondes radar, bien plus exigeante en maintenance que les revêtements furtifs modernes.

Ces conceptions anciennes reposent sur des revêtements appliqués manuellement, qui se dégradent facilement sous l’effet de la pluie, de la chaleur, du sable, du carburant ou des conditions environnementales générales. Cela impose des réapplications fréquentes et oblige l’US Air Force à stocker les B-2 dans des hangars climatisés, coûteux, dotés de personnel hautement qualifié, ce qui alourdit considérablement les dépenses.

En raison de l’extrême sensibilité du revêtement furtif du B-2, le moindre défaut peut modifier sa signature radar et compromettre sa survivabilité dans les espaces aériens contestés qu’il est censé pénétrer. Par conséquent, même des imperfections mineures nécessitent une maintenance minutieuse après presque chaque mission afin de restaurer les capacités de furtivité.

À l’inverse, les revêtements furtifs modernes, comme ceux des F-35 et du futur B-21, sont plus résistants et bien moins gourmands en main-d’œuvre. Cela met en évidence la difficulté d’entretien du B-2, qui requiert entre 50 et 60 heures de maintenance pour chaque heure de vol.

Contrairement aux F-15 et F/A-18, le B-2 ne peut pas être simplement stationné à l’extérieur, en raison de l’extrême sensibilité de sa couche de protection. Il doit être abrité dans des hangars équipés de systèmes de contrôle précis de la température et de l’humidité afin d’éviter toute détérioration.

Le coût élevé et la complexité de construction de ces hangars font que seules quelques bases aériennes en sont dotées, ce qui rend le déploiement des B-2 difficile et exige une planification poussée.

Parmi les rares installations capables d’accueillir le B-2 figurent la base aérienne de Whiteman dans le Missouri, la base aérienne d’Andersen à Guam et la base de soutien naval de Diego Garcia dans l’océan Indien. Ces infrastructures nécessitent des investissements de plusieurs millions de dollars, ce qui limite la flexibilité stratégique du B-2 et accroît ses coûts d’exploitation.

Alors que la plupart des flottes aériennes bénéficient d’économies d’échelle, le B-2 en est privé. Seuls 21 appareils ont été construits, dont 20 sont entrés en service. L’un d’eux a été détruit lors d’un accident survenu à Guam en 2008, laissant aujourd’hui seulement 19 appareils opérationnels.

Malgré la taille réduite de la flotte, les B-2 exigent un grand nombre de techniciens, d’ingénieurs et de spécialistes, ce qui rend les coûts de main-d’œuvre par appareil nettement supérieurs à ceux d’avions produits à des centaines d’exemplaires, pour lesquels les tâches répétitives peuvent être optimisées.

Les missions nucléaires du B-2 alourdissent encore davantage la facture. En tant que plateforme de dissuasion nucléaire, l’appareil doit répondre à des normes extrêmement strictes de préparation, impliquant des inspections supplémentaires, des procédures de sécurité renforcées, des formations spécifiques et des certifications, qui font partie intégrante des coûts liés à la composante aérienne de la triade nucléaire américaine.

L’arrivée prochaine du B-21 Raider dans l’US Air Force conduira au retrait progressif du B-2. Le B-21, lui aussi un bombardier furtif à aile volante, tire parti des enseignements tirés des difficultés de maintenance du B-2.

Doté de revêtements furtifs modernes et de structures modulaires, le B-21 devrait, contrairement au B-2, entrer en production à grande échelle, permettant de répartir les coûts sur une flotte dont la taille devrait être au moins cinq fois supérieure à celle du B-2.

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