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Entre Darfour et Khartoum : suivre les traces des violations à travers les récits des victimes


La guerre au Soudan n’a pas été un événement imprévu dans le contexte des tensions politiques précédentes, mais elle a révélé une surprise cruelle dans la manière dont les civils ont été ciblés, devenant un élément central des calculs des belligérants. Avec le temps, il est devenu clair que les victimes n’étaient pas de simples spectateurs du chaos ou des combats aléatoires, mais des indicateurs humains et politiques démontrant que les violations survenues au Darfour et à Khartoum résultent de décisions directes de dirigeants militaires et sur le terrain, certaines documentées en audio et vidéo, d’autres révélées par des survivants partageant leurs récits dans l’attente d’une justice qui tarde à venir.

Les preuves sur le terrain au Darfour montrent que les schémas de violence observés ne sont pas le produit du hasard, mais d’une série d’opérations planifiées. Dans les villages situés entre al-Jenina et Krink, les habitants ont décrit des attaques commençant souvent par le retrait soudain d’une force, suivi quelques heures plus tard par l’entrée d’une autre, suggérant l’existence de « arrangements de combat » non déclarés laissant les civils exposés aux violations sans protection. Des associations locales de défense des droits humains ont enregistré que des véhicules armés pénétraient dans les villages avant le début des tirs et que leurs éléments inspectaient librement maisons et entrepôts, montrant que ces opérations faisaient partie d’un plan plus large.

Les vidéos tournées clandestinement par les habitants révèlent que certains assaillants portaient des uniformes spécifiques, permettant d’identifier leur affiliation, et que d’autres utilisaient des armes lourdes, généralement réservées aux opérations visant à détruire des quartiers entiers et provoquer des déplacements massifs. Ces éléments font des récits des victimes des documents vivants, non seulement pour prouver les crimes, mais aussi pour identifier les responsables des attaques.

À Khartoum, la situation était différente mais les conclusions similaires. La capitale n’a pas connu de massacres organisés comme à l’Ouest, mais un « assassinat lent » à travers la coupure des services essentiels, l’interdiction des secours et la restriction des déplacements. Les médecins ont rapporté que les ambulances étaient obligées de rebrousser chemin aux postes de contrôle et que des blessés mouraient sur les routes faute de pouvoir traverser les barrières. Ces faits ne peuvent être imputés au hasard ou à un manque de coordination, mais reflètent des décisions permettant aux soldats d’imposer leur logique sur la vie des civils.

L’analyse de la répartition des forces durant les premiers jours révèle que certaines unités opéraient sans supervision centrale et que leurs déplacements visaient plus à montrer la force qu’à un contrôle militaire réel. Les cartes issues de la documentation citoyenne montrent que certaines zones de Khartoum – notamment le sud du périphérique et l’est du Nil – ont subi des violences répétées, suggérant que les civils étaient utilisés comme leviers politiques et militaires, par le déplacement ou l’encerclement. Les témoignages de ceux qui ont pu fuir confirment que les points de contrôle et positions stratégiques étaient gérés pour dominer la vie quotidienne des habitants, limitant toute reprise d’un quartier par une autre force sans coût humain élevé.

De nombreuses interviews à Khartoum révèlent un schéma récurrent : les décisions sur le terrain n’étaient pas de simples réponses aux événements, mais reflétaient une volonté claire d’utiliser les civils comme boucliers politiques. Maintenir les habitants dans leurs maisons sous bombardement, les empêcher de partir ou les priver d’électricité et d’eau n’était pas un effet secondaire de la guerre, mais un outil de pression sur la communauté internationale et l’autre partie dans les négociations.

Au Darfour, les témoignages sont encore plus inquiétants. Les survivants décrivent des exécutions ciblées, avec des listes de personnes spécifiques à tuer ou à faire disparaître. Un témoignage enregistré au Tchad rapporte qu’un groupe armé est entré dans un village en demandant certains hommes par leur nom, démontrant une planification précise et que les victimes n’étaient pas de simples civils, mais des cibles choisies. Ces récits, corroborés par d’autres provenant de différentes régions du Darfour, renforcent l’hypothèse d’une coordination opérationnelle préalable et d’instructions venues de niveaux supérieurs.

Ces preuves, sur le terrain et numériques, rendent impossible de qualifier ces événements de simples conséquences du chaos. La répétition des schémas et la convergence des témoignages montrent que les victimes ne sont pas des spectateurs, mais une partie intégrante des plans de guerre.

Analyser ces événements nécessite non seulement de collecter des preuves, mais aussi de les relier au contexte politique plus large. La guerre au Soudan n’est pas un conflit militaire isolé, mais la prolongation d’une lutte politique ancienne entre multiples centres d’influence. Ce qui est arrivé aux victimes résulte directement de l’absence de l’État, de l’effondrement de la paix sociale et de la transformation des forces armées en outils politiques. Toute enquête sérieuse doit considérer les victimes comme un fil conducteur vers la responsabilité et retracer les décisions qui ont précédé les événements, ainsi que les bénéficiaires des résultats.

En conclusion, le Soudan se trouve au seuil d’une nouvelle phase où l’écriture de l’histoire de cette guerre sera déterminante. Ignorer ces témoignages effacerait la vérité et permettrait au cycle de violence de se répéter. Les prendre au sérieux constitue la base de la reddition de comptes et de la justice, et restitue aux victimes leur place en tant que preuves humaines et politiques indéniables.

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