Politique

L’écran est plus dangereux que l’arme… la propagande terroriste des camps d’entraînement à l’intelligence artificielle


Le paysage mondial qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001 a poussé le chercheur américain spécialiste du terrorisme, Brian Jenkins, à réexaminer sa célèbre assertion formulée en 1974, selon laquelle les groupes terroristes « veulent un grand nombre de spectateurs, pas un grand nombre de morts ».

Cependant, en 2006, Jenkins écrivait, dans son analyse d’Al-Qaïda, que « de nombreux terroristes aujourd’hui veulent un grand nombre de spectateurs et un grand nombre de morts » – un constat qui reflète la profonde transformation de la philosophie de la violence chez les organisations extrémistes au cours des deux dernières décennies, selon le quotidien britannique The Telegraph.

Des premières plateformes Internet aux outils modernes de propagande

Bien que ces groupes revendiquent souvent un héritage remontant au VIIe siècle, ils ont toujours figuré parmi les premiers à adopter les technologies contemporaines pour amplifier leurs messages et diffuser la violence.

Dès les années 1990, ces organisations ont cherché à exploiter tous les moyens médiatiques disponibles pour atteindre un public plus large.

Ainsi, avant même que la majorité des foyers britanniques n’aient accès à Internet, le site « Azzam Publications », administré depuis Tooting à Londres, publiait déjà les textes d’extrémistes, ainsi que des vidéos de soldats russes capturés en Tchétchénie.

Avec le déclenchement de la « guerre contre le terrorisme », les vidéos d’exécutions de détenus occidentaux – comme celle du journaliste américain Daniel Pearl en 2002, ou du Britannique Ken Bigley en 2004 – se sont répandues, démontrant la capacité de ces groupes à créer un choc mondial à l’aide de moyens médiatiques relativement simples.

La montée de la propagande terroriste professionnelle

L’évolution ne s’est pas limitée aux vidéos. Les organisations extrémistes ont rapidement combiné le langage idéologique traditionnel avec des outils de design et de production visuelle modernes. L’un des exemples les plus marquants est celui de l’Américain Jesse Morton, un ancien extrémiste devenu repenti, qui utilisa son site « Revolution Islam » pour menacer les créateurs de la série « South Park » et mobiliser des sympathisants dans le monde entier.

En France, un ancien délinquant de Nice, Omar Omsen, s’est reconverti en prédicateur produisant des « documentaires » artisanaux qui ont attiré un large public sur YouTube. Omsen se trouve toujours en Syrie avec environ 200 de ses partisans, et ils ont participé à l’attaque menée l’an dernier contre Damas.

Par la suite, l’organisation Daech a porté la propagande à un niveau de professionnalisme inédit, suscitant l’inquiétude mondiale quant à la radicalisation en ligne. L’exécution du journaliste américain James Foley par le Britannique Mohammed Emwazi, connu sous le nom de « Jihadi John », en est l’un des exemples les plus marquants : elle a poussé les grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley à revoir immédiatement leurs politiques de modération de contenu.

Les groupes terroristes entrent dans l’ère de l’intelligence artificielle

Aujourd’hui, avec la diffusion des technologies d’intelligence artificielle, les groupes terroristes commencent à en explorer le potentiel. Des rapports indiquent que Daech et ses branches médiatiques utilisent l’IA pour accélérer la traduction de leur propagande et étendre leur portée à l’échelle mondiale.

Cette expérience n’a toutefois pas été exempte d’erreurs. Selon BBC Monitoring, l’organisation a produit des bulletins d’information générés par IA pour présenter ses « réalisations », mais l’une des versions a accidentellement montré le visage du présentateur virtuel, ce qui constitue une violation des règles religieuses strictes du groupe.

Les craintes augmentent également parmi ses sympathisants quant au potentiel des technologies de « deepfake » dans la propagation de la discorde et l’attisement des divisions.

Malgré cet engouement pour la technologie, ces groupes – comme de nombreuses entreprises et gouvernements – n’ont pas encore atteint une exploitation maximale des capacités de l’IA.

L’intelligence artificielle, une arme à double tranchant

Les experts en lutte antiterroriste mettent en garde contre une surestimation des capacités des groupes terroristes à exploiter l’intelligence artificielle, car cela risquerait de détourner l’attention de l’analyse sécuritaire classique et du travail de renseignement.

En revanche, l’IA offre aux autorités des outils puissants, notamment : la surveillance et la régulation du contenu terroriste sur les plateformes numériques, la détection de schémas complexes difficiles à identifier manuellement, ainsi que l’analyse et la traduction de volumes considérables de données, de discours et de documents en quelques minutes plutôt qu’en plusieurs mois de travail manuel.

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