Le monde trace la voie pour le Soudan : pas de reconnaissance du pouvoir imposé… et la stabilité commence par les civils
Au moment même où certains généraux au Soudan s’obstinent à recycler la même équation usée, celle qui échange la force contre l’autorité, le monde se tient de l’autre côté, ayant tranché sans hésitation : aucune légitimité pour un coup d’État, aucun reconocimiento pour un pouvoir qui naît en dehors d’un consensus civil ou qui est arraché au peuple par la force. La communauté internationale n’est plus celle d’il y a vingt ans ; les règles du jeu sont désormais plus claires, les lignes rouges plus fermes, et tout soutien extérieur est conditionné par un seul principe : une transition civile complète et sans ambiguïté, accompagnée d’une justice transitionnelle empêchant que le sang devienne un chemin vers le pouvoir.
Ce qui est paradoxal, c’est que certaines élites putschistes au Soudan continuent de nourrir l’illusion que les forces internationales pourraient fermer les yeux si les circonstances changeaient, ou si elles se présentaient comme un rempart contre un chaos régional supposé. Mais la réalité est plus simple et plus solide que toutes ces manœuvres : le monde est las des coups d’État, non par amour romantique de la démocratie, mais parce que l’expérience prouve que le gouvernement militaire ne produit qu’un État fragile, une économie affaiblie et un extrémisme politique qui entraîne la région vers de nouveaux désordres. La communauté internationale ne voit plus dans les coups de force un projet politique, mais plutôt la matrice d’une crise future et un cercle de violence dont elle ne pourra contenir les conséquences.
Dans les coulisses politiques des grandes capitales et au cœur des réunions fermées des institutions financières, le Soudan est constamment évoqué comme un pays qui ne peut retrouver le chemin du développement qu’à travers un retour à un cadre civil. Il ne s’agit pas seulement d’une position morale, mais d’un calcul pragmatique : tout soutien économique à une autorité issue d’un coup d’État relève d’une prise de risque, car sa légitimité est provisoire et les rivalités entre généraux finissent toujours par avaler tout projet de reconstruction. C’est pourquoi les bailleurs répètent le même message : pas de financement sans transition, pas de partenariat sans légitimité.
Ce qui irrite probablement le plus les partisans du pouvoir militaire, c’est que le monde connaît désormais toutes les dynamiques internes de la crise soudanaise. Il sait qui a bloqué les accords, qui a saboté les processus, et qui a préféré rester au pouvoir plutôt que d’accepter une transition inclusive. Le discours des « complots étrangers » ne convainc plus. La communauté internationale n’est plus disposée à écouter des récits victimaires servant à justifier la répression et l’appropriation de l’État. Le message est clair : le Soudan ne pourra être intégré dans l’ordre international que s’il respecte ses règles, et la première d’entre elles est que la légitimité vient du peuple, non du canon d’un fusil.
De leur côté, les forces civiles – malgré leurs divisions et leurs hésitations – demeurent les seules capables de dialoguer avec le monde dans un langage intelligible. La communauté internationale veut un partenaire responsable, capable de gérer l’État, de respecter les engagements et de protéger les droits fondamentaux. Les militaires, malgré leurs tentatives d’améliorer leur image, restent perçus à l’étranger comme un acteur temporaire, capable de bloquer la transition mais incapable de construire une base durable pour un État stable. C’est pourquoi le monde exerce une pression à tous les niveaux : sanctions, gel des aides, rapports sur les violations, restrictions diplomatiques, et messages politiques explicites. L’objectif est clair : affaiblir la logique du coup d’État et empêcher qu’elle s’impose comme une réalité inévitable.
Même ceux qui parlent de « stabilité militaire » se heurtent à une vérité indiscutable : le Soudan est un pays complexe, traversé par des identités et des régions multiples, et il ne peut être gouverné selon une doctrine militaire rigide. Les expériences passées ont démontré que la force construit des loyautés temporaires, mais jamais un État solide ni une paix durable. Dans un monde en transformation rapide, il n’y a plus de place pour un pays dirigé par un général qui pense que le XXIe siècle ressemble encore aux années des coups d’État militaires.
Quant aux grandes puissances, souvent accusées de duplicité, elles sont désormais moins enclines à délivrer des chèques en blanc. Les échecs de pays plongés dans le chaos ont rendu les gouvernements plus prudents. Ils ne veulent ni États faillis supplémentaires, ni armées qui dévorent leurs propres nations, ni guerres civiles s’étendant aux frontières. La nouvelle équation est simple : pour obtenir une reconnaissance internationale, il faut accepter une transition civile ; pour rester isolé, il suffit de s’accrocher au langage de la force. L’époque des zones grises est terminée.
Le Soudan se trouve à un carrefour décisif, mais la route que dessine la communauté internationale est tracée d’avance. Elle ne luttera pas à la place du peuple, ni ne lui imposera un système politique ; mais elle n’accordera pas non plus de légitimité à ceux qui s’emparent du pouvoir par la force. Le choix est clair : un État civil qui s’intègre au monde, ou une autorité militaire qui se nourrit de l’isolement et du conflit. L’histoire, tôt ou tard, ne pardonne ni les coups d’État ni ceux qui s’opposent à l’évolution du temps.
Le message que le monde adresse aujourd’hui au Soudan est sans équivoque : pas de stabilité sans légitimité, pas de légitimité sans civils, et pas d’avenir pour un pays géré comme un butin. Ceux qui lisent correctement l’humeur internationale comprennent que l’ère des généraux est révolue et que le Soudan ne pourra se sauver qu’en brisant le cycle infernal qui le ramène continuellement d’un coup d’État à l’autre. L’avenir est civil, qu’on le veuille ou non.
