Pris dans les filets du mal du pays et de la peur… Al-Qaïda assiège les étrangers au Mali
Ils avaient bâti leur vie là-bas, épousant les détails et les habitudes du lieu. Mais du jour au lendemain, leurs pays d’origine les appellent à rentrer, inquiets pour leur sécurité face à la menace terroriste.
Les étrangers au Mali, particulièrement les Européens, se trouvent aujourd’hui confrontés à un dilemme amer : rester dans un pays instable où Al-Qaïda encercle de nombreux villages et paralyse les approvisionnements en carburant, ou suivre les recommandations de leurs gouvernements, faire leurs valises et partir, laissant derrière eux des années d’efforts, de travail et de souvenirs.
Ils sont piégés entre la nostalgie et la peur — d’un côté, l’attachement au pays qu’ils considèrent comme le leur, et de l’autre, l’angoisse d’une escalade pouvant précipiter le Mali dans les griffes d’une organisation terroriste dont l’ennemi premier demeure l’Occident.
Une situation qui se dégrade
Le Mali souffre d’une grave pénurie de carburant depuis que des terroristes affiliés à Al-Qaïda, appartenant au groupe « Jama’at Nusrat al-Islam », ont décidé, début septembre, de cibler les camions-citernes qui approvisionnent le pays.
Face à cette détérioration, la France a conseillé à ses ressortissants de quitter temporairement le Mali. Dans un avis publié vendredi soir, le ministère français des Affaires étrangères a averti que « la situation sécuritaire au Mali, y compris à Bamako, se dégrade depuis plusieurs semaines ».
Depuis le début du mois de septembre, les terroristes ont multiplié les attaques non seulement contre les positions militaires, mais aussi contre les convois d’approvisionnement, détruisant de nombreux camions-citernes.
Malgré les patrouilles d’escorte mises en place pour sécuriser certaines routes, le pays souffre d’un manque aigu de carburant, entraînant le ralentissement ou l’arrêt de plusieurs activités, y compris dans le secteur de l’électricité.
Compte tenu de cette insécurité grandissante et de l’imprévisibilité des événements, la France a exhorté ses citoyens à quitter « dès que possible » le territoire malien — une mesure similaire à celles déjà prises par les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni.
Entre nostalgie et peur
Dès la publication des avertissements — et même avant —, de nombreux étrangers ont choisi de quitter le pays. D’autres, en revanche, refusent toujours d’envisager le départ, espérant un miracle qui leur permettrait de rester.
Beaucoup ont confié à Radio France Internationale (RFI) leur désir de rester au Mali, le plus souvent pour des raisons familiales, parfois professionnelles, mais aussi par attachement profond à la vie qu’ils y ont construite. La plupart préfèrent cependant garder l’anonymat, par crainte ou discrétion.
Hélène Ndiaye, une Française mariée à un Malien et naturalisée, vit à Bamako depuis vingt-deux ans où elle travaille dans le paysagisme. Elle affirme : « La situation n’est pas dangereuse pour notre sécurité. »
Elle ajoute : « Je n’ai pas envisagé de partir. J’habite ici, c’est mon pays. À Bamako, nous ne sommes pas directement menacés. Bien sûr, la conjoncture économique est difficile, mais il ne faut pas se laisser envahir par la peur. Nous traversons une période compliquée, mais ce n’est pas une raison pour fuir ailleurs. »
Crise de panique et départ douloureux
Mireille, une Belge ayant passé vingt ans au Mali et obtenue la nationalité du pays, a fini par quitter Bamako récemment, « temporairement » espère-t-elle. Ayant vécu trois coups d’État (2012, 2020, 2021), la montée des groupes djihadistes et dix années de conflit, elle a finalement cédé à la peur.
Elle confie : « J’ai eu une crise d’angoisse, j’ai eu peur : les terroristes, le manque de carburant, et maintenant la menace d’insécurité alimentaire. »
Mais depuis son départ, la nostalgie la ronge : « Je pleure pour le Mali, je pleure pour la situation… Ma vie est là-bas, le Mali est dans mon cœur. Je suis partie avec seulement trois valises. C’est mon pays de cœur et je suis prête à y retourner, quoi qu’il en coûte. »
Pour l’heure, la plupart des analystes sécuritaires estiment peu probable que le groupe « Nusrat al-Islam » tente de s’emparer de Bamako, ne disposant ni des moyens militaires ni de l’intention de prendre le pouvoir.
Malgré tout, Paris continue d’appeler ses ressortissants à « préparer un départ temporaire » et à quitter le pays « dans les plus brefs délais » par les vols commerciaux disponibles.
On estime à environ 4 200 le nombre de ressortissants français vivant actuellement au Mali, la majorité possédant la double nationalité.
