Le financement de l’Ukraine en péril : les avoirs russes risquent de diviser l’Union européenne
La guerre en Ukraine commence à peser lourdement sur la cohésion des États membres de l’Union européenne, principalement à cause des questions liées au financement. Selon le magazine Politico, Bruxelles intensifie la pression sur les gouvernements encore réticents à approuver un nouveau soutien financier à Kiev, avertissant que si la Russie n’est pas contrainte de payer, les Européens devront eux-mêmes supporter la facture.
Peu à peu, les gouvernements européens et la Banque centrale européenne ont commencé à utiliser les avoirs russes confisqués pour financer l’effort de guerre ukrainien. Initialement, cette démarche suscitait une grande prudence, car le fait de saisir les fonds d’un autre État, même pour une cause jugée juste, soulevait de sérieuses inquiétudes juridiques et éthiques. Mais les besoins urgents de l’Ukraine et la posture hésitante de Washington ont contribué à changer la donne.
Lors du dernier sommet européen, le ministre belge des Affaires étrangères, Bart De Wever, a refusé d’approuver le plan, qui nécessite le soutien unanime des 27 États membres, obligeant ainsi l’Union à repousser la décision à décembre au plus tôt. De Wever a justifié sa position en expliquant que la Commission européenne avait sous-estimé la complexité juridique liée à l’utilisation des avoirs russes, ainsi que les conséquences légales potentielles pour la Belgique.
Cependant, les responsables européens ne croient pas que cette opposition tiendra au-delà de décembre, date à laquelle les dirigeants doivent se réunir à nouveau. L’Union espère que la Belgique — où sont conservés la majorité des actifs russes — finira par accepter le plan, notamment grâce à la proposition d’un mécanisme d’emprunt commun, une idée longtemps jugée risquée.
Plusieurs pays européens restent farouchement opposés à l’émission d’obligations européennes, estimant qu’ils ne doivent pas être tenus responsables des dettes accumulées par d’autres gouvernements jugés laxistes dans leur gestion budgétaire. Pourtant, l’UE fait désormais face à une double urgence : les fonds destinés à Kiev pourraient s’épuiser d’ici la fin mars prochain, tandis que la prise de décision deviendra plus complexe avec la montée d’un bloc eurosceptique formé par la Hongrie, la Tchéquie et la Slovaquie, qui contestent la poursuite du soutien à l’Ukraine.
Dans ce contexte, l’Union européenne envisage également de rechercher d’autres avoirs russes disséminés dans différents pays membres, pour un montant total estimé à 25 milliards d’euros. La majeure partie de ces fonds est détenue par Euroclear, une institution financière basée en Belgique, exposant Bruxelles à d’importants risques financiers et juridiques.
Un porte-parole de la Commission européenne a précisé que des discussions approfondies avaient lieu avec les autorités belges, affirmant que tout nouveau plan reposerait sur un principe de partage collectif des risques. Selon lui, le scénario initial ne présente pas de danger particulier, mais toute proposition future devra garantir que les éventuelles conséquences juridiques soient assumées collectivement par l’ensemble des États membres.
La Commission a par ailleurs minimisé les inquiétudes de la Belgique, expliquant que les 140 milliards d’euros d’actifs russes ne seraient restitués à Moscou que si le Kremlin mettait fin à la guerre et versait des réparations à l’Ukraine — une hypothèse jugée très improbable. Néanmoins, Bruxelles craint que la Russie ne riposte par une offensive judiciaire, invoquant notamment le traité bilatéral d’investissement signé entre les deux pays en 1989.










