Nioro sous siège financier : l’expansion d’Al-Qaïda au Mali
Le bras armé d’Al-Qaïda au Mali resserre son emprise sur la ville de Nioro, aujourd’hui totalement assiégée. Les groupes terroristes y interdisent l’entrée du carburant, accusant les habitants de soutenir l’armée malienne.
La situation à Nioro, dans le sud-ouest du pays, n’est guère différente de celle de la ville voisine de Kayes, riche en or, où les combattants de la « Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin » (JNIM), affiliée à Al-Qaïda, contrôlent les principaux accès et punissent sévèrement toute personne soupçonnée de collaboration avec les forces gouvernementales.
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Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux et authentifiée par Radio France Internationale (RFI) témoigne de la détresse des habitants. On y voit des femmes voilées d’un côté, des hommes de l’autre, ainsi qu’un groupe de résidents rassemblés derrière un homme qui, avec courage, prend la parole au nom de la communauté.
Se présentant sous le nom de Sidi Dicko, il déclare : « Il est aujourd’hui impossible pour les habitants de Nioro de quitter la ville sans risquer l’arrestation ou l’enlèvement. »
Les participants à cette vidéo savent pertinemment qu’ils s’exposent à de graves représailles de la part des groupes armés affiliés à Al-Qaïda, mais ils espèrent que leurs mots, soigneusement choisis, parviendront à alerter la communauté internationale sans provoquer davantage de violences.
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Selon plusieurs sources locales, environ cinquante habitants de Nioro seraient actuellement détenus par les terroristes, sans que personne ne sache où ils se trouvent.
« Nous avons tous ici un frère ou un fils enlevé », poursuit Dicko, avant d’appeler désespérément à l’aide. Les habitants implorent « tout le monde » d’intervenir et demandent également aux groupes armés de libérer leurs proches.
Cette demande, formulée avec précaution, vise à éviter de froisser les jihadistes tout en ménageant les autorités maliennes. Depuis près de deux mois, le JNIM impose des restrictions sévères sur la circulation des véhicules, avant d’interdire complètement leur passage.
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Les voyageurs venant de l’extérieur peuvent encore repartir, mais les résidents de Nioro ou de Kayes sont systématiquement arrêtés.
« Ici à Nioro, beaucoup d’entre nous sont artisans ou commerçants, mais nous sommes aujourd’hui bloqués. Nous ne pouvons ni partir, ni aller au marché. Nous demandons à ceux qui nous assiègent de nous permettre de reprendre nos activités pour subvenir à nos besoins », explique encore Sidi Dicko.
Soumission ou isolement
Outre Nioro et Kayes, les jihadistes imposent leur autorité dans plusieurs autres villes et villages refusant d’obéir à leurs lois.
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Mercredi dernier, ils ont annoncé le blocus de la ville de Léré, dans la région de Tombouctou, donnant trois jours aux habitants pour fuir. L’année précédente déjà, Léré avait subi un siège similaire qui avait duré plusieurs mois. Les jihadistes accusent aujourd’hui la population de ne pas avoir respecté les engagements pris lors de la levée du précédent blocus.
Vendredi, la JNIM a revendiqué la prise du site de la milice Gatia à l’entrée du village d’Intahaka, ainsi que le contrôle d’une position militaire à Kona, dans la région de Mopti, au centre du Mali.
Ces offensives successives illustrent la progression continue du réseau d’Al-Qaïda dans un Mali fragilisé, où l’État peine à rétablir son autorité et à protéger les populations prises au piège entre la violence des groupes armés et l’impuissance des institutions.









