Près d’un an après la trêve au Liban : une paix incomplète et une sécurité illusoire

Dans le sud du Liban, où le calme devait revenir près d’un an après la trêve conclue avec Israël, rien ne laisse croire que la guerre soit réellement terminée.
Le ciel demeure saturé du vrombissement des avions israéliens, la terre croule sous les ruines, et des milliers de déplacés vivent encore dans des écoles transformées en abris permanents.
À Tyr, Naqoura et Bint Jbeil, les habitants parlent d’une trêve « écrite seulement sur le papier », tandis que la réalité du terrain raconte la continuité d’une guerre qui se dissimule derrière le langage mesuré des diplomates.
Une peur qui renaît chaque matin
Dans un village proche de Bint Jbeil, Souad, mère de cinq enfants, confie : « Nous dormons sous le bruit des avions et nous nous réveillons avec les nouvelles de la frontière. Qui a dit que la guerre est finie ? Elle a juste changé de forme. »
Cette peur constante a fait des femmes la première ligne de défense de leurs familles : ce sont elles qui élèvent les enfants dans la patience et assurent la survie du foyer au milieu d’un chômage croissant et de l’effondrement des services essentiels.
Avec les destructions laissées par les précédents combats, la reconstruction n’est plus une priorité, paralysée par la grave crise économique qui frappe le pays. Amira, enseignante à Tyr, décrit la situation à Reuters : « Nous menons plusieurs batailles à la fois : contre la cherté, contre les coupures d’électricité, contre la peur de la guerre et celle de la faim. »
Même l’aide humanitaire distribuée aux familles a diminué, tandis que le coût de la vie s’est envolé au point de pousser nombre de femmes à envisager l’exil. Mais quitter le Sud, c’est abandonner ses racines — « une autre forme de mort », dit-on.
Munifa Eidibi, ancienne restauratrice à Bint Jbeil, dirige aujourd’hui une cuisine communautaire qui prépare plus d’un millier de repas par jour pour les déplacés réfugiés dans les écoles de Tyr.
« On croyait que la guerre s’était terminée après 66 jours, mais les gens ne sont jamais rentrés chez eux. On vit toujours en guerre », dit-elle en observant les cuisiniers qui ont perdu leur maison.
Les récentes frappes sur Bint Jbeil, ayant coûté la vie à des enfants, rappellent que la trêve n’était qu’un court répit dans un conflit sans fin.
Une paix différée
Pour les femmes du Sud, la trêve ressemble à une pause entre deux guerres. Chaque tension à la frontière ravive les souvenirs de l’exode et des destructions, tandis que les hommes oscillent entre deux choix : retourner combattre ou partir à la recherche d’un refuge sûr.
Malgré tout, certaines s’accrochent encore à l’espérance. Fatima, originaire de Maroun al-Ras, affirme : « Nous avons le droit de rêver d’une paix véritable, pas d’une trêve après laquelle la guerre revient plus violente. »
Pour elles, la guerre n’est pas un événement qui s’achève avec un cessez-le-feu, mais une mémoire persistante. Elle s’invite dans les conversations, dans les portraits des disparus, et dans le grondement de chaque avion israélien qui traverse le ciel.
Alors que le monde observe si la trêve tiendra, les femmes du Sud savent que la guerre ne se joue pas seulement sur les fronts, mais aussi dans la vie quotidienne — dans la patience, l’attente, et la lutte pour survivre malgré tout.
La reconstruction : une promesse lointaine
La Banque mondiale estime le coût de la reconstruction du Sud à 11 milliards de dollars, mais les financements demeurent « suspendus » jusqu’à ce que le Liban accepte de désarmer le Hezbollah, selon des diplomates occidentaux.
En attendant, les villages frontaliers restent en ruines, sans projets de réhabilitation, tandis que les habitants continuent d’espérer « une paix qui ne vient pas ».
Bidaya Suleiman, récemment élue au conseil municipal de Houla, confie à Reuters : « À travers mes rencontres avec les gens, je peux dire que la guerre continue… et que sa douleur, elle aussi, continue. »