L’escalade récente à Gaza : accélérera-t-elle la mise en place d’une surveillance internationale de la trêve ?

À la suite de l’échange d’accusations entre Israël et le Hamas au sujet de l’incident de Rafah, la question de la supervision internationale de l’accord de cessez-le-feu a resurgi. Le Hamas a nié toute responsabilité dans l’attaque à Rafah et réaffirmé son attachement à l’accord, tandis qu’Israël continue d’en imputer la responsabilité au mouvement. Les ripostes israéliennes ont été nombreuses et intenses, faisant de cet épisode l’un des plus graves depuis l’entrée en vigueur de la trêve — qui, rappelons-le, a déjà connu de multiples violations, principalement imputées par diverses sources à des actions israéliennes antérieures.
Contrairement à l’accord conclu au Liban, où la surveillance était essentiellement assurée par les États-Unis dans le cadre d’un arrangement bilatéral avec Beyrouth, l’accord de Gaza a été paraphé à Charm el-Cheikh sous l’égide et la garantie conjointe des États-Unis, de l’Égypte, du Qatar et de la Turquie. Les signataires présents lors de la cérémonie internationale comprenaient les présidents Donald Trump, Abdel Fattah al-Sissi, Recep Tayyip Erdoğan et l’Émir du Qatar, Tamim ben Hamad.
Le texte de l’accord prévoit spécifiquement la mise en place d’un mécanisme de surveillance piloté par ces pays garants. Les autorités américaines ont indiqué que des observateurs basés aux États-Unis se trouvent en Israël, à Ashkelon, et le président Trump a répété à plusieurs reprises son refus d’un déploiement de forces américaines sur le sol de Gaza pour superviser l’application. Si les États-Unis peuvent en théorie coordonner depuis Israël, il est peu probable que l’Égypte, le Qatar et la Turquie acceptent de n’opérer depuis le territoire israélien.
Cette configuration soulève un problème pratique majeur : l’accès des observateurs garantis à Gaza dépend de l’ouverture du passage de Rafah côté palestinien, depuis l’Égypte. L’ouverture, initialement prévue mardi, a été reportée pour des raisons logistiques par Israël ; le ministre des Affaires étrangères israélien Gideon Sa’ar évoquait ensuite une réouverture probable dimanche, avant que le bureau du Premier ministre ne conditionne l’accès à la restitution « à un rythme raisonnable » des dépouilles des otages, sans préciser la définition de cette « cadence ». Tant que cette condition israélienne n’est pas satisfaite, l’arrivée des équipes égyptiennes,
qataries et turques demeure improbable. Israël a par ailleurs refusé l’entrée d’experts turcs chargés d’aider aux opérations de recherche des dépouilles dans les décombres.
Sur le terrain, les autorités israéliennes ont, à plusieurs reprises, fermé les points d’entrée et limité l’acheminement d’aide humanitaire, avant de faire marche arrière sous la pression américaine. Des responsables israéliens ont par ailleurs fait état d’un alignement étroit sur Washington : selon eux, aucune décision opérationnelle significative ne sera prise sans l’aval des autorités américaines, ce qui révèle l’importance de l’implication directe de l’administration américaine dans la gestion de la trêve.
Les États-Unis ont déclaré vouloir renforcer leur rôle de supervision et ont prévenu que la période de transition serait décisive : « Les trente prochains jours seront déterminants », a affirmé un haut responsable, insistant sur le fait que l’administration américaine assume désormais une responsabilité majeure quant à l’exécution de l’accord. Le vice-président Vance, l’envoyé spécial Steve Witkoff et Jared Kushner sont attendus dans la région pour faire progresser la mise en œuvre de l’accord. Leur feuille de route inclut la consolidation du cessez-le-feu, la poursuite de la remise des dépouilles, l’organisation de l’acheminement sécurisé de l’aide humanitaire pour empêcher son détournement par le Hamas, la création d’une force internationale de stabilisation à Gaza, la préparation de projets de reconstruction — « une nouvelle Rafah » — et des plans visant à désarmer le Hamas.
Cette implication américaine suscite toutefois des tensions politiques en Israël. L’obligation apparente de coordonner étroitement toute action avec Washington irrite la droite nationaliste, et notamment le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui a dénoncé sur X la « capitulation » du bureau du Premier ministre et appelé à une reprise immédiate des opérations militaires. Au sein du cabinet israélien, des voix réclament fermeté et représailles face à ce qu’elles perçoivent comme des violations de l’accord.
En définitive, l’escalade autour de Rafah a mis en lumière deux réalités : d’une part, la fragilité d’un accord reposant sur des garants dont l’accès et la méthode d’intervention sont conditionnés par des paramètres logistiques et politiques ; d’autre part, la dépendance de facto d’Israël à l’égard des États-Unis pour la conduite des phases sensibles de l’application. Ces éléments rendent l’intervention internationale indispensable mais complexe. Reste à savoir si la mobilisation diplomatique en cours suffira à traduire cet engagement en mécanismes opérationnels de supervision capables de prévenir de nouvelles ruptures de la trêve.