Politique

La malnutrition, un ennemi supplémentaire pour les réfugiées soudanaises dans les camps du Tchad


Les femmes enceintes souffrent d’une faiblesse extrême rendant l’accouchement périlleux, tandis que les enfants subissent de longs traitements contre la malnutrition.

La guerre au Soudan a poussé un nombre croissant de citoyens à franchir les frontières vers les pays voisins, notamment le Tchad, où les taux de malnutrition augmentent dans les camps isolés. Dans ces lieux précaires, les femmes et les enfants représentent 86 % de la population réfugiée, et la malnutrition s’impose désormais comme un ennemi supplémentaire.

Le correspondant du Guardian britannique, Kamel Ahmed, a mis en lumière la crise humanitaire des réfugiés dans un reportage racontant les heures d’agonie vécues par la jeune réfugiée soudanaise de 18 ans, Mekka Ibrahim Mohamed, agrippée à son siège dans une ambulance cahotant à travers le sable boueux du Tchad, alors qu’elle était en plein travail après une rupture utérine.

L’ambulance parcourait les routes désertiques vers un hôpital géré par Médecins Sans Frontières dans le camp de Mechi, à plus de deux heures de route.

Mekka raconte avoir souffert d’infections répétées durant sa grossesse et avoir consulté à sept reprises avant le début du travail. Incapable d’accoucher naturellement en raison de la rupture de son utérus, elle a attendu l’ambulance pendant deux heures, perdant connaissance sous l’effet de la douleur. À son arrivée, une césarienne d’urgence lui a sauvé la vie ainsi que celle de son bébé.

Sa mère, Aïcha Khamis Abdallah, 40 ans, redoutait de perdre à la fois sa fille et son petit-fils, soulignant que les conditions de refuge et l’absence de services médicaux transforment chaque naissance en une véritable lutte pour la survie.

Les femmes et les enfants représentent environ 86 % des 878 000 réfugiés soudanais vivant dans les camps reculés du désert tchadien, où l’eau et la nourriture se font rares, et où la distance vers le premier hôpital peut signifier la différence entre la vie et la mort.

Avant la dernière vague de déplacements, le Tchad affichait déjà le deuxième taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde. Aujourd’hui, la situation dramatique des femmes réfugiées ne fait qu’aggraver ce constat : la plupart accouchent dans des conditions critiques ou trop tard pour être sauvées.

Dans l’hôpital de Médecins Sans Frontières à Mechi, 824 bébés ont vu le jour cette année, la plupart dans des situations d’urgence. Cependant, le personnel médical se dit inquiet pour les femmes qui n’arrivent pas à temps, à cause de la distance ou des pannes fréquentes de l’unique ambulance desservant des dizaines de milliers de réfugiés.

La chirurgienne Aleksandrina Kripovic déclare que « chaque cas qui arrive à l’hôpital est une urgence », précisant que certaines femmes parcourent le trajet à pied ou sur le dos d’un âne, ce qui augmente considérablement les risques de complications.

La malnutrition est devenue un ennemi de plus : de nombreuses femmes enceintes souffrent d’une faiblesse extrême qui rend l’accouchement risqué, tandis que les enfants suivent de longs traitements à base de lait enrichi ou de pâte d’arachide thérapeutique.

Après sa césarienne, Mekka a passé deux mois à l’hôpital pour traiter sa malnutrition, tandis que son nouveau-né restait sous surveillance constante. Son mari, quant à lui, a dû quitter le camp pour chercher du travail, laissant Mekka dépendre de sa mère pour s’occuper du bébé.

Dans les tentes de nutrition, les enfants reposent sous des moustiquaires dans une chaleur suffocante, tandis que les médecins utilisent des outils rudimentaires, comme une balance fabriquée avec un seau et une corde.

« Chaque jour, je vois arriver de nouveaux enfants malades », confie Souheiba Abdallah Abou Bakr, une mère réfugiée. « La nourriture distribuée est de mauvaise qualité et insuffisante. Si nous étions chez nous, nous cultiverions la terre et prendrions soin de nous-mêmes. Ici, nous dépendons entièrement de ce qu’on nous donne. »

Le Programme alimentaire mondial a averti en juin dernier qu’il serait contraint de réduire davantage l’aide alimentaire s’il ne recevait pas de financements supplémentaires. Les agences onusiennes n’ont obtenu que 69 % du budget requis pour le Tchad en 2024.

Dans ces conditions précaires, certaines femmes tentent de gagner un maigre revenu : Azzah Dihia Othman, 65 ans, tresse des feuilles de palmier pour les vendre au marché, tandis que d’autres travaillent pour des agriculteurs locaux contre un salaire dérisoire, voire sans rémunération.

« Je souffre d’hypertension et je ne trouve plus mon médicament », dit Othman avec amertume. « Faut-il que je meure pour qu’on me soigne ? »

Faute d’emploi, de nombreux jeunes hommes partent vers les mines d’or du nord du Tchad ou émigrent en Libye, laissant femmes et enfants affronter seuls la dureté du désert.

Parmi elles, Afaf Abdelmalek, 21 ans, vivait autrefois à El-Fasher avant qu’un de ses proches ne soit tué sous les yeux de sa famille. Elle explique avoir perdu contact avec ses deux frères et ne pense plus qu’à nourrir sa petite famille.

Sa nièce, encore traumatisée par la mort de son père, panique à la vue des motos utilisées par les combattants.

Le Haut-Commissariat pour les réfugiés met en garde : la réduction des aides internationales privera 155 000 enfants réfugiés d’accès à l’éducation d’ici l’année prochaine, menaçant de condamner toute une génération à l’oubli dans l’immensité du désert tchadien, où la route vers la survie semble interminable.

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