Politique

Tournant autour de son usine meurtrière : les drones menacent les maisons d’armement européennes


La série d’intrusions de drones en Europe a désormais atteint les sites des industriels de l’armement : ces engins survolent des usines très sensibles qui fabriquent des systèmes de haute précision.

L’une des principales entreprises européennes de défense aérienne met en garde : ses sites ultra-secrets subissent un nombre croissant de vols de drones, et il est urgent d’établir des règles claires sur les modalités de brouillage ou d’abattage de ces appareils.

« Nous observons davantage de drones qu’il y a seulement quelques mois », a déclaré Alain Cuivrein, directeur régional de Thales Belgique, à la revue Politico. Il a évoqué des survols au-dessus du site d’Ivigné-Fort, dans la province de Liège, la seule installation belge autorisée à assembler et stocker les charges explosives destinées à ses roquettes de calibre 70 mm.

Ses remarques interviennent alors que se multiplient, depuis un mois, des signalements d’intrusions de drones en Pologne, Roumanie, Allemagne, Norvège et Danemark, certains étant des drones militaires russes survolant la Pologne et la Roumanie.

En réaction, Copenhague a temporairement interdit les vols de drones la semaine dernière, tandis que l’OTAN a lancé un nouveau programme baptisé « Eastern Sentry » (Sentinelle de l’Est) pour combler les lacunes critiques de ses défenses aériennes.

« Nous sommes inquiets », a ajouté Cuivrein, alors que Thales cherche à doubler sa capacité de production de roquettes FZ275 — non guidées et guidées par laser — pour atteindre 70 000 unités dans les prochaines années, à condition que la demande se maintienne.

L’industriel affirme avoir déployé d’importants moyens pour installer des systèmes de détection de drones sur l’ensemble de ses sites. Il indique par ailleurs que, techniquement, l’entreprise pourrait recourir à des dispositifs de brouillage pour interrompre le lien de télécommande et faire chuter les appareils. Mais « ceci n’est pas légalement autorisé ».

Un des arguments avancés contre l’abattage de drones est le risque de dommages ou de blessures causés par la chute des débris.

Cuivrein estime que des pays comme la Belgique doivent définir « la bonne procédure » en la matière, en clarifiant notamment les responsabilités respectives des forces de l’ordre et des opérateurs privés.

Une demande d’armement en hausse

Thales Belgique enregistre une demande « incroyable » pour ses roquettes, alors que l’OTAN s’emploie à sécuriser ses espaces aériens. La majeure partie de la production actuelle est destinée à l’Ukraine.

Ces roquettes peuvent être employées contre des drones : la version guidée par laser vise les drones de grande taille évoluant à haute altitude, comme les modèles Shahed d’origine iranienne, tandis que la version non guidée disperse à l’explosion des milliers de billes d’acier pour neutraliser des essaims d’aéronefs plus petits et volant bas.

Ces dernières semaines, l’OTAN a essuyé de fortes critiques pour sa réponse aux récents intrusions : des avions de chasse ont abattu des drones russes en utilisant des missiles valant des millions de dollars, alors que les drones adverses coûtaient, selon certains rapports, de l’ordre de dix mille dollars pièce.

Cuivrein rapporte que Thales a reçu des dizaines de commandes depuis les incursions en Pologne, les acheteurs recherchant des roquettes d’une portée d’environ 8 km conformes aux standards de l’OTAN et compatibles avec les systèmes existants.

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