Les sanctions contre l’Iran menacent le pouvoir en attisant la colère populaire

Les divisions s’accentuent au sein de l’élite dirigeante iranienne quant à la manière de gérer la crise : certains prônent une ligne plus dure, tandis que d’autres redoutent qu’elle ne mène à l’effondrement de la République islamique.
Le régime, dominé par les religieux, affronte l’une des crises les plus graves depuis la révolution islamique de 1979. Il doit composer à la fois avec un mécontentement populaire croissant et l’échec des négociations nucléaires, ce qui a accentué l’isolement et les divisions internes du pays.
L’ONU a rétabli samedi des sanctions contre l’Iran, après l’échec de discussions de dernière minute entre Téhéran et les puissances européennes – le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne – destinées à résoudre la plus récente d’une longue série de crises liées au programme nucléaire iranien.
En l’absence de percée diplomatique, quatre responsables iraniens et deux sources proches du dossier prévoient un renforcement de l’isolement économique du pays, susceptible d’attiser encore davantage la colère du peuple. Mais ils soulignent que céder aux exigences occidentales fracturerait l’élite dirigeante et compromettrait les fondements révolutionnaires de la République islamique, fondés sur la résistance aux pressions extérieures.
« L’institution religieuse est prise entre le marteau et l’enclume. L’existence de la République islamique est en danger… Notre peuple ne peut plus supporter ni de nouvelles pressions économiques, ni une autre guerre », a déclaré un haut responsable.
Les inquiétudes grandissantes portent également sur d’éventuelles frappes israéliennes contre les sites nucléaires si la diplomatie échoue. L’Iran a déjà été secoué par la guerre de 12 jours en juin, déclenchée par des bombardements israéliens puis américains contre trois installations nucléaires, juste avant un nouveau cycle de négociations prévu avec Washington.
Donald Trump, alors président américain, et Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, ont affirmé qu’ils n’hésiteraient pas à frapper de nouveau l’Iran si l’enrichissement d’uranium reprenait, un pas considéré comme décisif vers l’arme nucléaire.
La troïka européenne (Royaume-Uni, France, Allemagne) a réactivé fin août le mécanisme de réimposition rapide des sanctions onusiennes, accusant Téhéran d’avoir violé l’accord nucléaire de 2015. Ces sanctions, entrées en vigueur samedi, visent notamment le pétrole, les secteurs bancaire et financier, l’armement, ainsi que les activités liées aux missiles balistiques. Elles incluent aussi un gel mondial des avoirs et des interdictions de voyage.
Ce retour de sanctions accroît la pression sur une économie déjà fragilisée par des années d’embargos et de mauvaise gestion. Le taux d’inflation officiel avoisine 40 %, certains estimant qu’il dépasse 50 %. Ces derniers mois, les médias iraniens ont fait état d’envolées des prix alimentaires, du logement et des services, alimentées par la chute du rial et l’augmentation du coût des matières premières.
De nombreux Iraniens, comme Shima, enseignante de 36 ans et mère de deux enfants, expriment leurs inquiétudes : « Nous peinons déjà à couvrir nos dépenses. Plus de sanctions signifient plus de pression économique. Comment allons-nous tenir ? », a-t-elle déclaré depuis Téhéran.
Bien que la Chine continue d’absorber une partie du pétrole iranien et d’assurer certains échanges commerciaux, la viabilité de ces exportations reste incertaine avec le rétablissement des sanctions de l’ONU.
La direction religieuse craint que la colère populaire ne se transforme en manifestations massives susceptibles d’affaiblir encore davantage la position internationale du régime. Pour certains responsables iraniens, maintenir le statu quo – pas de guerre, pas d’accord, mais la poursuite des discussions – serait le moindre mal, évitant concessions supplémentaires et escalade militaire.