Moyen-Orient

Le fardeau des Frères musulmans : le mouvement yéménite Al-Islah tente désespérément de se dissocier du groupe


Après le recul de l’influence régionale et internationale des Frères musulmans, de nombreux partis et structures politiques cherchent à se défaire du poids que représente l’association avec ce groupe, et le Yémen n’échappe pas à cette dynamique.

Le parti Al-Islah, bras politique des Frères musulmans au Yémen, continue d’adopter des tactiques d’opportunisme visant à changer son image stéréotypée, dans l’espoir de maintenir son influence sur la scène politique nationale.

Alors que l’organisation célèbre cette année le 35ᵉ anniversaire de sa fondation, elle se présente sous une nouvelle image destinée à séduire l’étranger et à nier tout lien organisationnel avec les Frères musulmans, afin de conférer une dimension « nationale » à un parti dont les ramifications idéologiques, financières, médiatiques et politiques restent étroitement liées à l’organisation internationale des Frères musulmans.

Sur le plan interne, les méthodes traditionnelles d’Al-Islah demeurent dominantes. L’initiative proposée récemment pour établir une « charte d’honneur politique » reflète des inquiétudes profondes au sein de l’organisation concernant l’érosion de sa popularité et le risque, après la fin du coup d’État houthi, de subir un revers « fatal » soutenu par la communauté internationale.

Une condition des Frères musulmans pour mettre fin au coup d’État

Dans ce contexte, le leader d’Al-Islah, Mohammed al-Yadomi, a appelé depuis son exil volontaire, à l’occasion du 13 septembre 1990, date de la fondation de l’organisation, à adopter une « charte d’honneur politique prévoyant que le pays ne serait gouverné qu’en partenariat et par consensus pendant plusieurs années après la chute du coup d’État houthi, jusqu’à ce que le pays retrouve sa stabilité, puis à organiser les élections générales dans le cadre d’un consensus politique global ».

Des observateurs estiment que cette initiative n’est qu’une « nouvelle condition imposée par l’organisation pour mettre fin au coup d’État houthi » et un « stratagème » par lequel Al-Islah cherche à restaurer son image auprès de l’opinion publique et à placer ses cadres dans des positions stratégiques pour garantir sa présence et son contrôle.

Les experts soulignent qu’Al-Islah continue de « jouer un rôle faisant partie du problème et non de la solution », transformant ses initiatives politiques en façade pour dissimuler des pratiques concrètes visant à contrôler les leviers de l’État via ses outils politiques, médiatiques, réseaux, associations et branches.

De plus, ses demandes de gouvernance par partenariat plutôt que par élections reflètent la conviction profonde de la direction du mouvement selon laquelle participer au processus électoral reviendrait à disparaître de la scène après l’érosion de sa popularité et l’effondrement de sa narration depuis le chaos de 2011.

Une seule « corbeille »

Al-Yadomi a également affirmé que « le parti Al-Islah est un parti civil yéménite, enraciné dans le pays et son appartenance, et qu’il n’a aucun lien organisationnel, ni proche ni lointain, avec quelque parti ou groupe à l’étranger, y compris l’organisation des Frères musulmans ».

Commentant cette déclaration, l’expert yéménite en affaires religieuses, Saeed Bakran, a indiqué que « les déclarations d’al-Yadomi niant tout lien organisationnel avec l’organisation internationale des Frères musulmans ne sont pas nouvelles et constituent une répétition des manipulations politiques ».

Bakran a précisé que « le Hamas avait déjà, en 2017, publié un document annonçant sa dissociation organisationnelle de la maison mère, suivi par le mouvement Ennahdha dirigé par Rached Ghannouchi qui a déclaré que son parti n’avait aucun lien avec l’organisation internationale des Frères musulmans ».

Bakran a souligné que « ces manipulations échouent face à la réalité : le leader des Frères musulmans au Yémen ne peut nier ce qui est plus important que les liens organisationnels avec l’organisation internationale des Frères musulmans : les liens idéologiques, intellectuels, médiatiques, politiques et financiers transnationaux ».

Il a ajouté que « la séparation organisationnelle entre les branches mondiales a été une décision stratégique et sécuritaire au service de l’organisation internationale, afin de conférer aux branches des couleurs nationales artificielles et de prévenir les risques sécuritaires dans les pays où le lien organisationnel extérieur pourrait justifier des frappes fatales contre le groupe ».

Bakran a souligné que « l’organisation internationale agit selon le principe de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, afin d’éviter une destruction totale par un seul coup, en répartissant les risques pour protéger le projet central en cas d’échec ».

Partenariat

Concernant le partenariat exigé par les Frères musulmans, Bakran a expliqué qu’il s’agissait « d’un message aux acteurs internationaux, régionaux et nationaux, indiquant que nous n’agirons pas et ne permettrons aucune action contre les Houthis tant que nous n’assurons pas notre part du pouvoir après le mouvement ou son autorisation ».

Le choix du partenariat « plutôt que des élections » reflète probablement la conviction de la direction que l’acceptation du processus électoral signifierait la disparition du mouvement après les dommages subis à sa popularité et l’effondrement de son récit islamique en raison des luttes pour le pouvoir depuis 2011.

Le militant politique Anas al-Khalidi a déclaré que l’organisation des Frères musulmans « n’a jamais été un projet d’État, mais un instrument de son démantèlement ; elle n’a jamais porté de projet national mais a été la pointe de la démolition de l’État et de la loi, le moteur principal de tous les conflits internes qui ont déchiré la cohésion nationale ».

Il a ajouté que le parti Al-Islah était devenu « un outil obéissant servant des agendas étrangers au détriment de la souveraineté républicaine et de l’intérêt du peuple yéménite, œuvrant méthodiquement pour transformer la division en stratégie et l’opportunisme en modèle de gouvernance, au point que le pays est profondément séparé de lui-même et soumis à des contradictions qui ne lui appartiennent pas ».

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