L’attaque de Doha et les négociations sur Gaza : vers un accord plus rapide ou une impasse prolongée ?

Alors que les pourparlers visant à instaurer un cessez-le-feu à Gaza semblaient proches d’un tournant décisif, l’attaque israélienne visant des dirigeants du Hamas à Doha est venue compliquer davantage la situation.
Selon des observateurs, le raid israélien qui a ciblé mardi plusieurs hauts responsables du Hamas au Qatar représente une escalade majeure susceptible de freiner les négociations destinées à mettre fin à la guerre à Gaza et à obtenir la libération des otages, d’après l’agence Associated Press.
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Cette attaque pourrait également déclencher une crise diplomatique avec le Qatar, allié stratégique des États-Unis, qui accueille des milliers de soldats américains et joue depuis des années le rôle de médiateur entre Israël et le Hamas, bien avant le conflit actuel.
Le Hamas a affirmé que ses principaux dirigeants avaient survécu, tout en reconnaissant la mort de deux membres de rang inférieur — le fils de Khalil al-Hayya, chef du Hamas à Gaza, et son directeur de cabinet — ainsi que de trois de leurs gardes du corps. La mouvance islamiste, qui n’a généralement confirmé par le passé la mort de ses dirigeants qu’après des mois, n’a fourni aucune preuve immédiate attestant de leur survie.
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De son côté, le Qatar a fermement condamné l’attaque israélienne contre des résidences abritant plusieurs responsables politiques du Hamas. Dans un communiqué relayé par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Majed al-Ansari, Doha a qualifié l’opération de « comportement irresponsable » et d’« agression criminelle » en violation du droit international, constituant une menace grave pour la sécurité des citoyens et des résidents qataris.
Le gouvernement a également annoncé la mort d’un membre de ses forces de sécurité intérieure et la blessure de plusieurs autres. Cette attaque a déclenché une vague de condamnations arabes et internationales dénonçant une « violation flagrante ».
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Impact sur les négociations de cessez-le-feu
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a réaffirmé son engagement à poursuivre la guerre jusqu’au retour de tous les otages et au désarmement complet du Hamas. Selon lui, Israël maintiendra une présence sécuritaire permanente à Gaza d’ici là.
Dans le même temps, de vastes manifestations secouent Israël, où des milliers de citoyens accusent Netanyahou de prolonger la guerre pour des raisons politiques. Les protestataires exigent un cessez-le-feu permettant le retour des captifs et redoutent qu’une intensification des hostilités ne mette en danger la vie des survivants retenus dans les tunnels et autres lieux secrets de Gaza.
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Cette semaine, le président américain Donald Trump a déclaré avoir adressé un « dernier avertissement » au Hamas, alors qu’Israël lançait les premières phases d’une nouvelle offensive d’envergure sur la ville de Gaza.
Le Hamas a indiqué avoir reçu une nouvelle proposition américaine de cessez-le-feu prévoyant la libération immédiate de tous les otages restants en échange de discussions sur la fin du conflit et le retrait des forces israéliennes. Israël a annoncé son accord de principe, mais Bassem Naim, haut responsable du Hamas, a rejeté le plan, le qualifiant de « document de capitulation humiliant » sans garanties sur un retrait ni sur la cessation des hostilités. Le mouvement a néanmoins promis d’examiner la proposition avec les autres factions armées et d’y répondre dans les jours à venir.
Ces discussions étaient encore en cours lorsque les explosions ont frappé Doha, selon le membre du bureau politique du Hamas, Salim al-Hindi.
Scénarios possibles : quelle réponse du Hamas ?
D’après Associated Press, l’attaque contre Doha accroît l’incertitude autour des pourparlers, le Hamas nourrissant déjà une profonde méfiance envers les États-Unis et Israël depuis la fin unilatérale du cessez-le-feu de mars dernier, négocié sous médiation américaine.
Il est probable que les Brigades al-Qassam, branche armée du Hamas dirigée par Izz al-Din al-Haddad, décident du sort des otages restants. L’attaque pourrait inciter les chefs survivants à réduire davantage leurs communications, ralentissant le processus de négociation même s’il se poursuit.
Ces otages demeurent en effet la dernière carte de négociation du Hamas, qui exige en échange leur libération : la libération des prisonniers palestiniens, un cessez-le-feu permanent et le retrait israélien de Gaza.
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On estime qu’il reste 48 otages à Gaza, dont environ vingt encore en vie, les autres ayant été relâchés dans le cadre d’accords précédents.
Tournant stratégique et implications
Le raid est intervenu alors que les dirigeants du Hamas basés à Doha examinaient la nouvelle offre américaine. La Maison Blanche a reconnu avoir été informée par Israël avant l’attaque, mais Donald Trump a tenu à s’en démarquer, déclarant qu’il s’agissait d’une décision de Netanyahou et que ce bombardement « ne servait ni les intérêts d’Israël ni ceux de l’Amérique ».
La plupart des hauts responsables du Hamas à Gaza ont été éliminés, mais une partie de la direction politique réside depuis longtemps à l’étranger, notamment au Qatar et en Turquie. Si Israël avait menacé à plusieurs reprises de frapper les dirigeants où qu’ils se trouvent, elle avait jusqu’ici évité le Qatar, en raison de ses liens étroits avec Washington et de son rôle de médiateur.
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Depuis sa création dans les années 1980, le Hamas a survécu à de multiples tentatives d’élimination de ses chefs, mais jamais il n’avait été confronté à une attaque d’une telle ampleur en dehors de Gaza.
La guerre, déclenchée par l’assaut du 7 octobre 2023 contre Israël — qui fit 1 200 morts et 251 otages —, a depuis causé la mort de plus de 64 000 Palestiniens selon le ministère de la Santé de Gaza. Des quartiers entiers ont été détruits, 90 % des deux millions d’habitants ont été déplacés à plusieurs reprises, et la famine sévit dans certaines zones.
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