Politique

Un tournant opérationnel… Avertissement onusien sur la coopération entre Daech et Al-Qaïda dans les technologies des drones 


Un rapport onusien rédigé par un groupe d’experts du Conseil de sécurité a tiré la sonnette d’alarme au sujet d’une coopération croissante entre Daech et Al-Qaïda dans le domaine des « technologies liées aux drones ».

Ce document, présenté au Conseil de sécurité par l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions concernant Daech, Al-Qaïda et leurs entités affiliées, s’est penché sur les types d’armes actuellement détenues par ces deux organisations terroristes.

Selon ce rapport, « Daech et Al-Qaïda s’appuient principalement sur des armes légères et de petit calibre, obtenues par contrebande ou par vol ».

Concernant le transfert des armes, plusieurs États ont noté que « les mouvements de ce type d’armement se font grâce à une coordination entre groupes terroristes et réseaux criminels organisés ».

Le rapport ajoute que « les deux organisations cherchent à acquérir une expertise dans le domaine des drones en recrutant des spécialistes, alors que l’usage de drones – y compris armés – se répand de plus en plus ces dernières années ».

En ce qui concerne Al-Qaïda au Yémen, le rapport souligne qu’il a « renforcé ses capacités techniques, passant de l’usage de drones commerciaux disponibles sur le marché à des modèles inspirés des appareils utilisés par les Houthis, même si ceux-ci n’ont pas encore été employés à grande échelle ».

Il précise également que « l’organisation a mis en place un programme interne de fabrication de drones, mobilisant du personnel spécialisé et des infrastructures adaptées. Elle poursuit le renforcement de son arsenal, ayant récemment acquis des drones et des fusils antimatériels de calibre 12,7 mm utilisés dans des attaques à Abyan et Chabwa ».

Plusieurs États ont rapporté que Daech et Al-Qaïda utilisaient désormais des drones en Afrique, ces modèles de petite taille étant accessibles à grande échelle et à coût réduit.

Le rapport souligne que « les deux groupes échangent leur expertise technique à travers leurs réseaux affiliés afin de rendre possible une utilisation mondiale des drones ».

En 2024, la « Katiba Macina », affiliée à la Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (branche d’Al-Qaïda au Sahel), a acquis des drones destinés à la surveillance, au commandement et au contrôle, y compris pour le largage de grenades.

Le document précise qu’en février dernier, le groupe a utilisé au Burkina Faso des drones équipés de caméras pour larguer des engins explosifs improvisés contenus dans des bouteilles en plastique sur des positions militaires.

Il a aussi été constaté que les drones de type « DJI » ont considérablement accru les capacités de renseignement et de surveillance du groupe, facilitant notamment des attaques contre des bases militaires. Contrairement aux Shebab en Somalie et à Daech localement, la Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin emploie des drones dotés du GPS et de caméras stabilisées.

Les experts du Conseil de sécurité relèvent que le recours accru par Daech en Afrique de l’Ouest à des drones de reconnaissance sophistiqués a constitué « un élément déterminant dans l’évolution de ses opérations », lui permettant d’abandonner les attaques frontales contre l’armée au profit d’embuscades et de tactiques d’usure.

Le rapport estime que « les drones équipés de caméras de poursuite représentent la menace la plus sérieuse » en raison de leur vitesse et de leur potentiel d’utilisation dans des attaques suicides.

En conclusion, le rapport considère que « ce changement dans la stratégie opérationnelle pourrait modifier les dynamiques des conflits en faveur des groupes terroristes ».

L’expert égyptien en mouvements extrémistes et terrorisme international, Mounir Adib, explique les raisons et les modalités de cette coopération entre Daech et Al-Qaïda dans le domaine des armements, malgré leur rivalité.

Selon lui, « le différend entre les deux organisations repose essentiellement sur une rivalité de projets : chacune poursuit un objectif distinct, même si Daech est issu d’Al-Qaïda ».

Il précise que, malgré cette concurrence, « il existe une convergence sur les objectifs ultimes, à savoir l’établissement d’un califat islamique selon une conception traditionnelle ». Les visions divergent toutefois sur la définition de ce califat.

Concernant la coopération, Adib ajoute : « Elle s’est matérialisée sur plusieurs fronts, après des affrontements directs. Les deux groupes ont convenu d’un partage de zones d’influence et considèrent les États-Unis ainsi que les pays de la région comme un ennemi commun. Cela ouvre la voie à une coordination militaire et sécuritaire, notamment en matière de fabrication et de développement d’armes ».

Il conclut en rappelant que « des combattants passent d’un groupe à l’autre, de Daech vers Al-Qaïda et inversement, favorisant un échange d’expériences, un brassage de pratiques militaires et une coopération parfois ouverte, parfois clandestine ».

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