Siège, otages et menaces : Al-Qaïda étouffe le Mali

La branche d’Al-Qaïda poursuit son expansion au Mali. Après avoir pris le contrôle d’une ville stratégique au centre du pays, elle s’est déplacée vers le sud-ouest, où elle assiège désormais deux localités tout en ayant procédé à des enlèvements.
Le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda, a annoncé par le biais de sa plateforme de propagande Al-Zallaqa avoir imposé un blocus aux villes de Kayes et de Nioro, situées au sud-ouest du Mali, près des frontières avec le Sénégal et la Mauritanie.
Ces développements font suite à une menace formulée début juillet par le groupe à l’encontre des habitants des deux localités, après l’interception de plusieurs véhicules près de Nioro et l’enlèvement de passagers apparentés à Bouyé Haïdara, une figure religieuse influente de la région.
Selon Radio France Internationale, l’incident s’est produit vers onze heures du matin, heure locale, lorsque des hommes armés ont arrêté plusieurs véhicules entre Béma et Diongomané, près de Nioro. Les assaillants sont repartis avec deux véhicules tout-terrain appartenant au marabout Bouyé Haïdara et ont retenu plusieurs otages, notamment ses chauffeurs et deux membres de sa famille, relâchant toutefois les autres passagers qui n’étaient pas originaires de Kayes ou de Nioro.
Dans des vidéos diffusées en ligne, les terroristes ont revendiqué les enlèvements et proclamé le siège des deux villes. Plusieurs sources rapportent que des camions ont été incendiés sur les axes reliant Kayes à Nioro. Les assaillants ont aussi annoncé leur intention d’empêcher l’importation de carburant vers le Mali et adressé des avertissements aux compagnies de transport venant du Sénégal, de Mauritanie, de Guinée et de Côte d’Ivoire.
Les menaces ont également visé une société de transport locale accusée de collusion avec les autorités de transition. Ces actions concrétisent les menaces proférées en juillet, période marquée par une série d’attaques sanglantes le long des frontières sénégalaise et mauritanienne, les habitants de Kayes et de Nioro étant accusés de soutenir l’armée malienne.
Depuis lors, les terroristes ont détruit des infrastructures et incendié du matériel de chantier, perturbant lourdement la circulation, déjà affectée par l’état dégradé de la route Kayes et les pluies diluviennes.
En janvier dernier, le groupe avait déjà revendiqué l’enlèvement d’un autre chef religieux de Nioro, Thierno Amadou Hady Tall, dont il avait ensuite annoncé la mort sans jamais fournir de preuves tangibles, laissant planer le doute sur les circonstances de son décès.
Si les menaces actuelles venaient à être mises à exécution, les conséquences seraient dramatiques pour les habitants de Kayes et de Nioro, coupés de l’extérieur, et plus largement pour l’ensemble du Mali. Des analystes soulignent que le groupe cherche à asphyxier le pays et, en particulier, sa capitale Bamako, largement dépendante de l’axe routier de Kayes.
La prise de Farabougou, la semaine précédente, illustre cette stratégie. Située dans le centre du pays, cette ville stratégique est tombée sous le contrôle des djihadistes qui y ont imposé la charia, quelques jours seulement après avoir capturé le camp militaire local.
Cet épisode a une forte valeur symbolique, car en 2020, le premier acte du régime militaire issu du coup d’État avait été de lever un siège imposé à cette même ville. Aujourd’hui, Farabougou vit sous la coupe du groupe terroriste, ses habitants contraints de payer des taxes, de se conformer à l’interdiction de la musique (hors chants religieux), à l’interdiction de l’alcool et du tabac, et aux règles vestimentaires imposées aux femmes.
Depuis 2012, le Mali traverse une crise sécuritaire profonde alimentée par les attaques des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, aggravée par les rébellions séparatistes et la criminalité organisée.