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Enfants sans yeux et terres stériles : les armes chimiques accablent le pouvoir de Port-Soudan


Fœtus malformés, taches jaunes qui sèment la mort au lieu de la vie, sols infertiles, cheptel décimé et habitations réduites à des ruines enveloppées de toux et de brûlures oculaires.
Ces scènes parlent d’elles-mêmes, là où le récit officiel s’effondre, plaçant l’armée soudanaise au centre des accusations d’avoir utilisé des armes chimiques dans sa guerre pour le contrôle du pays.

La guerre n’est donc plus une simple confrontation militaire entre l’armée et les Forces de soutien rapide, mais un affrontement avec un ennemi invisible qui s’infiltre dans les poumons et déchire lentement les corps. C’est l’ombre des armes chimiques, niée par l’armée soudanaise, alors que les témoignages et les preuves matérielles disent le contraire.

Des témoignages qui confirment la catastrophe
Rahab Mubarak, militante des droits humains et membre du bureau exécutif de « Lawyers for Emergency » au Soudan, a révélé avoir reçu des informations fiables issues de témoignages de citoyens soudanais confirmant l’usage d’armes chimiques par l’armée dans sa guerre contre les Forces de soutien rapide, dans les régions de l’Est de Sennar et de Jabal Moya, au centre du pays, durant l’année 2024.

En janvier dernier, le département du Trésor américain avait annoncé des sanctions contre le général Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil de souveraineté et commandant de l’armée soudanaise, l’accusant d’avoir mené des attaques contre des civils.


Ces sanctions faisaient suite à un rapport du New York Times, citant quatre responsables américains affirmant que l’armée soudanaise avait utilisé des armes chimiques à au moins deux reprises dans ses combats pour le pouvoir.
En mai 2025, Washington a officiellement conclu que l’armée soudanaise avait effectivement employé ces armes au cours de l’année précédente.

La plupart des habitants de l’Est de Sennar et de Jabal Moya ont été contraints de fuir la région, en raison de la hausse des décès, de la propagation de maladies et de la crainte des effets toxiques sur les enfants et les personnes âgées.

Taches jaunes et maladies persistantes
L’apparition soudaine de signes inquiétants a semé la panique.
Un habitant identifié par les initiales (A.M.), père de deux enfants, a témoigné avoir constaté des changements dans la terre agricole touchée par des barils explosifs : de larges taches jaunes d’un hectare chacune sont apparues entre Jabal al-Tut et Jabal Moya, ainsi qu’une douzaine d’autres aux abords de l’usine de sucre de Sennar.

Selon lui, la population a connu une vague inhabituelle d’infections pulmonaires graves, dont il souffre lui-même depuis septembre 2024, sans guérison malgré de multiples consultations médicales.


Il a ajouté que plusieurs cas avaient été diagnostiqués comme du choléra, mais il doute de cette explication : malgré son contact avec un proche malade hospitalisé, il n’a jamais contracté la maladie, alors que de nombreux patients souffraient plutôt de spasmes gastriques atypiques.

Rahab Mubarak a rapporté le témoignage d’une autre habitante (M.A.) de la même zone, indiquant que trois membres de sa famille initialement diagnostiqués pour choléra souffrent désormais d’insuffisance rénale, et que de nombreux habitants développent des inflammations oculaires sévères, provoquant rougeurs, larmoiement et intolérance à la lumière.

Malformations congénitales et stérilité des sols
Les récits recueillis vont plus loin : un cultivateur (A.A.) a affirmé que son champ de maïs à l’Est de Sennar n’avait pas produit de tiges, même après 45 jours, preuve d’une stérilisation des sols.
Son voisin (A.M.) a évoqué la mort massive de moutons entre mai et juillet 2024 dans la steppe des Rifaiyyin, ainsi que des récoltes anéanties par des dépôts de sels dans la terre. Il raconte avoir ramassé des centaines de rats et de serpents morts, parfois en remplissant un sac entier de cinquante kilos.

Plus dramatique encore, il décrit des cas de malformations congénitales : une femme (M.M.S.) a donné naissance à un enfant sans yeux, décédé immédiatement ; une autre (A.M.A.) a eu un enfant sans oreille ; une troisième a accouché d’une fille aux traits anormaux et au nez simiesque, morte dix-huit jours plus tard.

Ces témoignages accablants esquissent le portrait d’une guerre qui ne se limite pas aux armes conventionnelles, mais qui imprime dans la terre et dans les corps des générations entières, des stigmates irréversibles.

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