Moyen-Orient

Les Houthis sur les traces d’al-Assad : financer leur guerre grâce au captagon


Le transfert progressif du commerce du captagon de la Syrie vers le Yémen offre aux Houthis, groupe soutenu par l’Iran, une nouvelle source de financement pour leurs activités militaires, notamment l’approvisionnement en missiles et munitions utilisés contre Israël et ses alliés.

L’effondrement partiel du régime de Bachar al-Assad n’a pas mis fin à la production ni à la circulation du captagon. Malgré les dénégations officielles, ce commerce de stupéfiants s’est poursuivi, alimenté par une demande constante dans la région. Aujourd’hui, ce vide est en passe d’être comblé par les Houthis, toujours à l’affût d’opportunités lucratives.

Dans une analyse publiée par le National Interest, les chercheuses Natalie Ecanow et Bridget Tomé, toutes deux expertes au sein de la Foundation for Defense of Democracies, expliquent que le groupe houthi, historiquement impliqué dans la culture et la vente du qat — un stimulant largement consommé au Yémen —, s’oriente désormais vers le trafic illicite de captagon, une drogue de type amphétaminique qui a longtemps soutenu financièrement le régime syrien.

Selon l’analyse, les Houthis auraient commencé à produire eux-mêmes la drogue sur le sol yéménite. Cette information a été confirmée par les autorités officielles du gouvernement yéménite reconnu internationalement. En juillet, les forces de sécurité ont saisi 1,5 million de comprimés de captagon en provenance de zones contrôlées par les Houthis et destinés à l’Arabie saoudite, ainsi que des dizaines de milliers d’autres comprimés dans le cadre d’opérations dispersées.

Avec un prix par pilule variant entre 6 et 27 dollars en Arabie saoudite, le commerce du captagon génère des revenus colossaux. Grâce à une frontière poreuse et étendue avec l’Arabie saoudite, les Houthis accèdent à un vaste marché pour écouler cette drogue et d’autres substances illicites, transformant ces profits en armes et missiles visant Israël, ses alliés régionaux et même des positions avancées américaines.

Les chercheuses notent que des indices grandissants laissent penser que le Yémen pourrait devenir un nouveau centre de production régional de captagon. Bien que les saisies restent encore modestes par rapport à d’autres zones du Moyen-Orient, les Houthis semblent résolus à accroître leur part de marché.

Des rapports de 2023 révèlent que le groupe a obtenu les composants nécessaires pour ériger une infrastructure de production. En juin 2025, le général Mutahar al-Shoaibi, chef de la police à Aden, a confirmé l’installation d’une usine de captagon dans un secteur houthi. Le ministre de l’Information, Moammar al-Eryani, a accusé l’Iran d’avoir coordonné l’opération.

Le commerce du captagon est en pleine expansion et les États-Unis ont un rôle crucial à jouer pour freiner cette industrie criminelle. La drogue ne se limite plus au Moyen-Orient. En 2020, l’une des plus grandes saisies de captagon a eu lieu en Italie : 84 millions de pilules d’une valeur de 1,1 milliard de dollars ont été confisquées.

Bien que la drogue n’ait pas encore atteint les États-Unis, les réseaux mondiaux du trafic relient l’est au monde occidental, laissant présager une éventuelle infiltration du marché nord-américain. En juin dernier, les Émirats arabes unis ont intercepté 131 kg de drogues diverses, en provenance du Canada via l’Espagne.

Avant l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas contre Israël, les efforts américains contre le trafic de captagon étaient en progrès. Sous la présidence de Joe Biden, des sanctions ciblées ont été mises en place, et une stratégie fédérale visant à « démanteler les réseaux de stupéfiants liés à al-Assad » a été approuvée par le Congrès. Mais l’intensification du conflit a ralenti cette dynamique, bien que le Trésor américain ait imposé de nouvelles sanctions en octobre 2024.

Les chercheuses soulignent que le départ d’al-Assad ne devrait pas être interprété comme une fin du problème. Malgré les promesses de réforme du président intérimaire Ahmed Al-Sharaa, le captagon continue de transiter par la Syrie vers la Jordanie et les pays du Golfe.

L’administration Trump, dans les mois qui ont suivi la chute du régime syrien, a levé certaines sanctions via un décret présidentiel du 30 juin, tout en maintenant celles visant al-Assad et ses proches ainsi que les trafiquants de captagon. Toutefois, un maintien passif des mesures précédentes est insuffisant.

Les saisies récentes au Yémen confirment que l’essor du captagon dépasse la figure d’al-Assad. Washington doit suivre de près l’émergence de nouveaux centres de production, notamment au Yémen, sans négliger l’activité persistante des réseaux basés en Syrie et au Liban.

Pour conclure, les chercheuses affirment que le trafic de captagon perdurera tant que les efforts internationaux ne seront pas renouvelés et adaptés. Washington, selon elles, doit moderniser ses outils de lutte et les appliquer de manière constante pour éviter que cette industrie meurtrière ne prospère davantage.

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