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Le Soudan à la croisée des chemins : les islamistes soutiennent l’armée pour prolonger le régime militaire


Depuis l’éclatement du conflit entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide en avril 2023, le Soudan traverse une phase politique et militaire complexe, marquée par des dynamiques de plus en plus troubles. Une enquête publiée par l’agence Reuters le 25 juillet 2025 révèle des signes clairs du retour de la mouvance islamiste sur le devant de la scène. Liée à l’ancien régime d’Omar el-Béchir, cette mouvance s’active à reconstruire son influence politique avec l’appui direct des forces armées basées à Port-Soudan. Le contexte laisse présager une transition prolongée dominée par l’armée.

Les paris des islamistes sur les élections

Dans des déclarations controversées, Ahmed Haroun — président du Parti du Congrès national dissous et recherché par la justice internationale — a indiqué que les prochaines élections pourraient constituer une « opportunité en or » pour le retour de son parti et de la mouvance islamiste au pouvoir. Il a également affirmé que l’armée conservera le contrôle du pays même après la fin des combats. Ces propos suggèrent que les islamistes ne cherchent pas seulement à infiltrer l’institution militaire, mais qu’ils préparent un retour « légal » par les urnes.

Des alliances extérieures redessinent le paysage

Selon Reuters, plusieurs figures islamistes influentes ont ravivé leurs canaux traditionnels avec l’Iran, la Turquie et le Qatar pour obtenir des armes et un soutien logistique au profit de l’armée soudanaise. Ces alliances esquissent les contours d’un nouveau bloc politico-militaire régional, qui reflète une stratégie claire : utiliser les réseaux islamistes régionaux pour renforcer la position de l’armée face aux puissances favorables à une transition civile, principalement les Émirats arabes unis.

Les Émirats face au retour islamiste

Les Émirats arabes unis ont historiquement combattu l’expansion des mouvements islamistes dans la région. Ils ont soutenu les forces civiles au Soudan et ont été un acteur clé dans la chute d’Omar el-Béchir en 2019. Le rapprochement actuel entre les islamistes et l’armée soudanaise, associé à une coopération grandissante avec le triangle Iran–Turquie–Qatar, ravive les tensions entre Khartoum et Abou Dhabi. Ces tensions ont été exacerbées ces derniers mois par des accusations officielles soudanaises alléguant un soutien émirati aux Forces de soutien rapide, avec un échange d’accusations sur la scène internationale.

Conséquences internes

L’influence croissante des islamistes au sein de l’armée pourrait ancrer durablement la domination militaire sur la vie politique et marginaliser les forces révolutionnaires et la société civile. Au lieu d’un processus démocratique reflétant les aspirations de la rue depuis la révolution de décembre 2018, le pays semble s’orienter vers une « transition militaire prolongée », gouvernée par la force et la sécurité, avec une façade électorale contrôlée par les groupes les plus structurés et les mieux financés.

Répercussions régionales

Le retour des islamistes au Soudan dépasse le cadre national : il pourrait intensifier la polarisation géopolitique dans la région de la mer Rouge et de la Corne de l’Afrique. Le Soudan étant un carrefour stratégique, toute bascule vers l’axe Iran–Turquie–Qatar accentuerait les rivalités avec les puissances promouvant un ordre civil, notamment les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

Le rapport de Reuters met en lumière un tournant critique dans le conflit soudanais. Tandis que les islamistes misent sur l’armée pour retrouver le pouvoir, cette dernière cherche à consolider son autorité par une transition prolongée. Dans ce jeu de pouvoir, la population soudanaise reste la principale victime, prise dans une crise humanitaire aiguë et privée de perspectives claires vers la stabilité.

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