Politique

Ayman Soliman : un cadre des Frères musulmans détenu aux États-Unis mis en lumière par une campagne de soutien organisée par le mouvement


Au cœur d’un imbroglio juridique révélant un affrontement plus profond entre les institutions américaines et l’organisation transnationale des Frères musulmans, le nom d’Ayman Soliman est récemment revenu au premier plan.

Soliman, conseiller religieux à l’hôpital pour enfants de Cincinnati, ne se retrouve pas au centre d’une affaire d’asile ou de liberté religieuse classique. Il incarne, selon plusieurs sources sécuritaires, une tentative d’infiltration des sociétés occidentales par les Frères musulmans, sous couvert d’activités spirituelles et communautaires.

Entré aux États-Unis comme réfugié politique, il est aujourd’hui sous le coup d’une procédure d’expulsion, sur la base d’une révision sécuritaire ayant établi des liens entre ses activités passées et des associations à vocation religieuse, perçues comme des relais de l’organisation en Égypte. Ce cas a suscité une mobilisation significative au sein de réseaux islamiques nord-américains historiquement proches de l’idéologie des Frères musulmans.

Un conseiller religieux en apparence, un cadre idéologique en profondeur

Réfugié depuis 2018, Ayman Soliman avait obtenu l’asile en se présentant comme une victime de persécution religieuse. Toutefois, les autorités américaines ont depuis réexaminé son dossier, mettant en évidence son appartenance passée à un conseil d’administration d’une association islamique égyptienne soupçonnée de soutenir indirectement le mouvement des Frères musulmans.

Selon l’évaluation d’un agent de l’immigration, cette entité a été classée comme une « organisation de niveau 3 », une désignation américaine utilisée pour des structures soupçonnées d’avoir apporté un soutien indirect à des groupes considérés comme terroristes.

Bien que cette association ne figure pas formellement sur les listes de terrorisme, ni aux États-Unis ni en Égypte, les liens idéologiques avec les Frères musulmans ont suffi à entraîner la révocation de son statut de réfugié en décembre 2024. Il a ensuite été placé en détention en juillet 2025.

Avant son arrivée aux États-Unis, Soliman avait exercé pendant quatorze ans comme imam en Égypte. Sur le sol américain, il a occupé divers postes religieux dans des mosquées, universités et institutions sociales. Il est membre de plusieurs organismes spécialisés, tels que le Conseil des jurisconsultes de la charia en Amérique, l’Association des conseillers musulmans et l’Union des imams d’Amérique du Nord.

Arrestation soudaine et suspension temporaire de l’expulsion

Le 9 juillet, Ayman Soliman a été arrêté par des agents de l’ICE lors d’un contrôle de routine à Blue Ash, Ohio. Cette arrestation est survenue après l’annulation officielle de son statut de réfugié, déclenchant une onde de choc dans les milieux juridiques et militants.

Ses avocats ont rapidement obtenu une ordonnance de suspension temporaire de son expulsion, dans l’attente d’une audience prévue le 23 juillet, suivie d’une autre destinée à prolonger cette mesure.

La défense affirme que cette décision ne repose pas sur de nouveaux éléments de sécurité, mais sur une « interprétation politique » de son passé militant, connu au moment de sa demande d’asile.

Des documents internes et une solidarité révélatrice

L’affaire prend une dimension plus politique encore à travers la mobilisation de figures liées aux Frères musulmans en sa faveur. Une déclaration publique, signée par des responsables islamiques de l’Ohio – dont certains visés par des accusations ou condamnations en Égypte – présente Soliman comme un imam pacifique et victime de discrimination.

Parmi les signataires figurent Ahmed Abdel Basset Mohamed, condamné à mort en Égypte pour des faits de terrorisme, Hossam Moussa, Mahmoud Khalili, ainsi que d’autres responsables de mosquées et centres islamiques aux États-Unis.

Le communiqué, aux accents défensifs, ignore la dimension idéologique de l’affaire et tente de la réduire à une question de droits de l’homme, un procédé fréquemment utilisé par l’organisation des Frères musulmans à l’international.

Associations religieuses ou instruments politiques ?

Cette mobilisation soulève de nouveau le débat autour du rôle de certaines organisations islamiques dans les pays occidentaux et de leur lien présumé avec les stratégies d’influence des Frères musulmans. L’affaire Soliman s’inscrit ainsi dans une dynamique plus large, où le mouvement, fragilisé au Moyen-Orient, cherche à se repositionner sur la scène internationale.

Une réponse politique américaine en gestation

L’arrestation de Soliman intervient dans un contexte de durcissement du discours politique à Washington contre les Frères musulmans. Le sénateur républicain Ted Cruz a récemment annoncé un projet de loi visant à classer l’organisation comme groupe terroriste, en commençant par désigner certaines de ses branches comme violentes.

Ce texte, soutenu par des lobbies influents comme l’AIPAC et la Fondation pour la défense des démocraties, accorderait 90 jours au secrétaire d’État Marco Rubio pour présenter un rapport complet sur les ramifications internationales de l’organisation, incluant l’Égypte, l’Europe et les États-Unis.

La détention d’Ayman Soliman représente donc un test décisif pour cette nouvelle orientation américaine qui vise à endiguer l’influence de groupes transnationaux opérant à la lisière de la légalité et sous couvert d’engagement humanitaire.

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