Un nouveau plan américain de financement des FDS risque de raviver les tensions avec la Turquie

Le Pentagone a demandé l’allocation de 130 millions de dollars pour soutenir des groupes armés en Syrie, notamment les Forces démocratiques syriennes (FDS) et l’Armée syrienne libre, dans le cadre de la lutte contre Daech. Une démarche qui risque de provoquer l’ire d’Ankara, qui considère les FDS comme la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé comme organisation terroriste par la Turquie.
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Ce soutien américain survient à un moment sensible, marqué par des tentatives régionales de rééquilibrage des dynamiques sécuritaires et militaires en Syrie, dans un contexte de rapprochement progressif entre Washington et Damas.
Selon un document officiel du Pentagone, cette enveloppe budgétaire, inscrite dans la loi de finances pour 2026, vise à renforcer les capacités de groupes locaux « partenaires » dans la lutte contre Daech, principalement les FDS et l’Armée syrienne libre. Washington justifie ce soutien par la nécessité d’assurer la défaite durable de l’organisation terroriste et d’empêcher sa résurgence.
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Mais cette argumentation ne dissipe pas les inquiétudes turques, surtout dans un contexte où les FDS continuent de recevoir des armes légères et un financement direct sous forme de salaires pour leurs combattants, selon le même document. Ankara considère les FDS comme une extension du PKK, contre lequel elle mène un combat depuis des décennies, et voit dans leur contrôle du nord-est syrien une menace directe pour sa sécurité nationale.
Ces préoccupations turques s’expriment régulièrement par un mélange de condamnations diplomatiques et d’opérations militaires transfrontalières, dans la droite ligne de la politique turque vis-à-vis du soutien américain aux FDS. Ankara accuse Washington de déstabiliser la région en renforçant des groupes qu’elle qualifie de « terroristes ».
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Il est probable que cette décision rouvre un cycle de tensions entre les États-Unis et la Turquie, malgré les liens personnels forts qui unissaient Donald Trump à Recep Tayyip Erdoğan. Ankara a souvent conditionné l’amélioration de ses relations avec Washington à l’arrêt total du soutien militaire et financier aux FDS.
En parallèle, cette initiative américaine intervient alors que Damas tente de reprendre le contrôle du paysage sécuritaire syrien, après des années de fragmentation. Le régime cherche à intégrer progressivement les FDS et à centraliser les armes dans les mains de l’État, à travers des accords locaux ou des arrangements sécuritaires. Mais ces efforts apparaissent compromis tant que l’appui américain à ces forces perdure.
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Des observateurs estiment que tout appui extérieur aux FDS renforce leur pouvoir de négociation et réduit la probabilité qu’elles acceptent de démanteler leur structure militaire ou de s’intégrer pleinement aux institutions syriennes. Leur contrôle sur des ressources pétrolières stratégiques et de larges zones d’influence, soutenu par la présence militaire américaine, leur confère une position dominante.
La décision du Pentagone soulève également la question d’un manque de cohérence dans la stratégie américaine en Syrie, alors même que des signes de rapprochement avec Damas ont émergé récemment : levée partielle des sanctions, révision des listes terroristes, et ouverture à une coopération économique et humanitaire.
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Certains analystes estiment que ce rapprochement fragile pourrait être compromis si les États-Unis poursuivent le financement de groupes armés hors du cadre de l’État syrien, alors que Damas exige comme priorité la récupération de sa souveraineté et l’expulsion de toutes forces étrangères non autorisées, qu’elles soient soutenues par Ankara ou Washington.
Selon la même note budgétaire, une enveloppe de 7,4 millions de dollars serait également consacrée à l’Armée syrienne libre dans le sud du pays, notamment pour étendre ses opérations contre des cellules de Daech dans la région de la Badiya. Ce budget est toutefois en baisse progressive : 156 millions en 2024, 147 millions en 2025, et 130 millions en 2026.
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Malgré cette diminution, le maintien du financement traduit la volonté du Pentagone de poursuivre son partenariat stratégique avec les FDS, ce qui risque de compromettre les initiatives syriennes visant à mettre fin à la prolifération d’armes hors du contrôle de l’État.
Le financement des centres de détention de membres de Daech et l’amélioration des conditions dans les camps de déplacés comme celui d’al-Hol ne changent rien au fait que le contrôle réel de ces installations reste entre les mains d’acteurs non étatiques, posant un double défi, à la fois sécuritaire et humanitaire.
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Une réaction officielle d’Ankara est attendue dans les prochains jours, que ce soit via des déclarations diplomatiques ou des actions sur le terrain, comme ce fut le cas par le passé. La crainte est que cette stratégie américaine creuse davantage le fossé entre deux alliés au sein de l’OTAN et rebrasse les cartes dans un nord syrien déjà saturé d’intérêts contradictoires.
Ce nouveau plan de soutien américain aux FDS tombe donc à un moment crucial, non seulement pour l’avenir des relations turco-américaines, mais aussi pour l’issue des processus sécuritaires en Syrie. Alors que Washington insiste sur la lutte contre Daech pour justifier son soutien, Damas et Ankara y voient une atteinte directe à leur souveraineté et à leur sécurité nationale.