Politique

La division des Frères musulmans entre soutien et rejet de l’Iran révèle la fragilité de l’organisation internationale


Alors que les développements militaires entre Israël et l’Iran s’accélèrent, une division inattendue au sein de l’organisation des Frères musulmans est venue enflammer la scène. Deux branches opposées du mouvement ont publié des déclarations contradictoires, relançant le débat sur l’unité du mouvement international et sa cohésion après des années de défaites et de scissions internes.

Dans un communiqué publié par la branche de Londres dirigée par Salah Abdel Haq, les Frères musulmans d’Égypte ont exprimé leur soutien à l’Iran face à « l’agression israélienne », appelant à l’unité de la Oumma islamique et affichant leur solidarité pleine et entière avec Téhéran.

Cette prise de position a suscité l’indignation des Frères musulmans de Syrie, qui ont rapidement publié un communiqué rejetant celle de la branche égyptienne. Ils ont qualifié les deux parties du conflit de « criminelles ayant détruit la région », comme indiqué explicitement dans leur déclaration diffusée sur leurs canaux officiels, selon les observations du site Independent Arabia.

Cette divergence manifeste révèle l’ampleur des divisions au sein d’une organisation fondée en 1928 et devenue un réseau mondial à travers des structures caritatives et politiques. Ces dernières années ont été marquées par un net affaiblissement de sa cohésion, comme l’avait souligné le spécialiste des mouvements islamistes Nathan Brown dans des déclarations antérieures citées par Independent Arabia. Il y qualifiait l’organisation internationale de structure lâche, dépourvue d’instruments réels pour contrôler ses branches nationales ou résoudre les conflits internes.

Brown a évoqué un exemple révélateur où les dirigeants d’un important mouvement islamiste inspiré des Frères, dans un pays arabe, étaient incapables de se souvenir du nom du guide suprême du mouvement en Égypte, illustrant ainsi la rupture entre le centre et les antennes locales. Pour des observateurs comme Amr El Shobaki, du Centre d’études stratégiques Al-Ahram, cette division est symptomatique de ce qu’il décrit comme « la fin de l’idée même d’organisation internationale ».

Il explique que les différences d’environnements politiques et sociaux, comme dans le cas syrien confronté à une ingérence directe de l’Iran, justifient le rejet par les Frères syriens de tout alignement avec Téhéran, alors que les Égyptiens ne nourrissent pas la même hostilité envers l’Iran.

Dans ce contexte, le chercheur Ahmed Sultan a déclaré à Independent Arabia que le communiqué de la branche de Londres illustre une tentative de compenser leur faiblesse organisationnelle en Égypte par un discours international mettant en avant des alliances transfrontalières. Pour lui, le conflit entre les Frères syriens et égyptiens est le prolongement d’un affrontement plus vaste entre la branche de Londres et celle d’Istanbul dirigée par Mahmoud Hussein, une scission survenue après 2013 et marquée par des exclusions et suspensions mutuelles.

Les divisions internes se sont accrues sous l’effet des évolutions régionales. Le soutien turc, qui servait de parapluie protecteur depuis 2013, s’est atténué depuis qu’Ankara cherche à rétablir ses relations avec l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Cela a conduit à des restrictions sur les médias liés aux Frères à Istanbul, à la réduction de leurs activités et à l’interdiction des discours incitant contre les gouvernements arabes.

Selon Shobaki, chaque branche des Frères musulmans agit désormais selon des priorités locales, indépendamment des visions globales du passé. L’idée d’une « nation islamique unifiée » n’est plus qu’un slogan mobilisateur sans fondement structurel ou politique réel. Brown partage cet avis, estimant que l’unification des musulmans sous une entité politique unique n’est plus à l’agenda d’un mouvement aujourd’hui absorbé par ses crises internes et ses échecs locaux.

Cette querelle survient dans un contexte d’effondrement du mouvement dans plusieurs pays comme l’Égypte, le Soudan, la Tunisie, le Maroc ou la Jordanie, où il a été classé comme organisation terroriste, dissous ou privé de ses sources de financement. Dans ce climat, le discours politique et religieux unifié s’érode progressivement.

Farghaly estime que les pays hôtes comme la Turquie et le Qatar n’interviennent pas directement pour résoudre les différends entre les branches, mais utilisent parfois leur influence pour coordonner les positions selon leurs propres intérêts, dont la pérennité reste incertaine face aux changements d’agendas régionaux.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page