Fuir les missiles… Quand les yachts deviennent des canots de sauvetage en Israël

Lorsque le ciel se ferme et que la terre devient instable, la mer reste le dernier passage vers la survie.
Sur les quais de ports comme Herzliya, Haïfa ou Ashkelon, des scènes inhabituelles se répètent chaque jour : des individus et des familles tirent leurs valises et circulent entre les yachts, à la recherche d’un bateau pouvant les emmener vers Chypre… et, de là, n’importe où loin des bombardements.
Depuis le début de l’attaque contre l’Iran vendredi dernier, et la fermeture de l’espace aérien, des centaines d’Israéliens ont rejoint des groupes sur les réseaux sociaux proposant des itinéraires alternatifs pour fuir par la mer.
Israël a annoncé qu’elle préparait des plans pour rapatrier plus de 150 000 ressortissants bloqués à l’étranger depuis la fermeture de l’aéroport Ben Gourion à l’aube de vendredi. Mais elle n’a pas l’intention d’ouvrir l’espace aérien pour les départs à l’international.
Face à cela, beaucoup de citoyens n’ont plus d’option que la mer. C’est ce que décrit un rapport du quotidien hébreu Haaretz.
Les yachts, nouvel espoir de fuite
Au port de Herzliya, les gens commencent à arriver dès 7 heures du matin. La plupart sont seuls, certains en couple, quelques-uns avec leurs familles. Ils tirent leurs chariots, scrutent les quais, et cherchent le yacht censé les emmener à Chypre… avant de poursuivre leur route loin des zones de frappe.
Sur Facebook, des groupes dédiés à l’évasion par la mer réunissent désormais des centaines de personnes prêtes à quitter Israël de cette manière.
Là où il y a une demande, il y a toujours une offre, moyennant un certain prix.
À Haïfa ou Ashkelon, des propriétaires de petits yachts organisent désormais des traversées pour des groupes de dix passagers maximum.
Rien qu’à Herzliya, un matin, plus d’une centaine de personnes se préparaient à embarquer.
L’Agence israélienne de la population et de l’immigration n’a pas encore évalué l’ampleur du phénomène.
La plupart des passagers affirment ne pas vivre en Israël et veulent simplement rentrer chez eux. D’autres partent rejoindre des proches ou conjoints à l’étranger.
Mais très peu reconnaissent fuir la menace des missiles iraniens, et personne n’accepte de parler ouvertement aux journalistes.
Seul Nir, muni d’un chariot et de quelques bières, semblait enthousiaste. Résidant au Costa Rica, il était en visite en Israël lorsque la crise a éclaté.
« Qui aurait cru que la situation dégénérerait à ce point ? » se demande-t-il.
25 heures de mer
Le trajet jusqu’à Larnaca, à Chypre, sur un petit yacht, devrait durer 25 heures.
« Je pensais que ce serait plus court – mais bon, quelle importance ? », plaisante Nir. « On est en pleine aventure. »
Avec lui, cinq autres hommes se préparaient à partir sur le même bateau.
Le capitaine, Guy, était silencieux et visiblement peu désireux de parler aux journalistes.
Sur le quai, Sharon (nom fictif) faisait ses adieux à son partenaire, qui poursuivrait ensuite vers Londres pour retrouver ses enfants.
Pourquoi ne pas partir avec lui ?
« Mon fils est ici. Je reste pour le protéger. »
Puis elle ajoute : « Il y a beaucoup de bateaux qui partent. Les gens sont désespérés. »
Pour Adi (nom fictif aussi), c’est un aller simple. « Je pars m’installer au Portugal. »
Entre solidarité et débrouille
Un peu plus loin, deux hommes poussaient un chariot de supermarché rempli de provisions : ce sont les propriétaires d’un yacht, en train de préparer le bateau pour une prochaine traversée.
Haïm et son fils Amir (noms fictifs) tentaient d’ouvrir une des grilles grises menant aux pontons, pour embarquer vers Larnaca.
À quelques mètres, un couple avec leur fils – résidant en Californie – se tenait prêt à embarquer.
« Quand j’ai compris que les vols ne reprendraient pas de sitôt, j’ai appelé le ministère des Transports et celui du Tourisme. On m’a conseillé de passer par Charm el-Cheikh ou la Jordanie, vu que j’ai aussi une autre nationalité. Certains Israéliens le font, mais j’ai préféré éviter. »
Une traversée éprouvante
Au boulangerie Abu Alafia de Jaffa, l’un des rares établissements encore ouverts, le capitaine Moshe et son groupe de marins retraités se réunissent chaque jour.
D’après eux, naviguer jusqu’à Chypre à bord d’un petit yacht n’est pas à la portée de tous.
« Ce n’est pas une traversée dangereuse », explique Moshe,
« mais ceux qui n’y sont pas habitués vont maudire l’instant où ils sont montés à bord. »
Jusqu’à 1 700 dollars la place
Des passagers affirment avoir payé 2 500 shekels (environ 713 dollars) par personne pour un petit yacht. D’autres disent avoir reçu des offres jusqu’à 6 000 shekels (1 700 dollars).
« Le prix dépend du type de yacht, des équipements, et de la vitesse.
Certains ont des cabines privées, d’autres fonctionnent au diesel et atteignent Chypre en seulement huit heures. »