Face à Boko Haram : pourquoi l’armée nigériane piétine-t-elle ?

Des routes piégées, des communautés prises pour cibles lors d’attaques successives : autant de menaces qui se sont installées dans le nord-est du Nigeria, visant civils et militaires, ravivant la peur du sombre passé du pays.
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Armé de tactiques plus sophistiquées et d’un soutien extérieur qui lui confère une capacité d’initiative accrue, Boko Haram a redessiné la carte de la terreur dans la région, épuisant la capacité de réaction de l’État.
À chaque attaque terroriste « réussie », la ligne se floute entre un passé sanglant et un présent incertain, suscitant une question : le Nigeria est-il en train de perdre une guerre qu’il affirmait avoir gagnée ?
Au pic de ses opérations en 2013 et 2014, Boko Haram s’est fait connaître mondialement après l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok et la prise de contrôle d’un territoire équivalent à la taille de la Belgique.
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Bien que le groupe ait perdu une grande partie de ce territoire suite à des campagnes militaires, une nouvelle vague d’attaques ravive la crainte d’un retour aux heures sombres, selon l’agence Associated Press.
Le gouverneur de l’État de Borno, Babagana Zulum, a récemment tiré la sonnette d’alarme, évoquant des pertes stratégiques et affirmant que les unités militaires étaient évacuées « presque quotidiennement sans combat ».
Des parlementaires fédéraux ont mis en lumière l’arsenal sophistiqué des terroristes, appelant le gouvernement à renforcer les capacités militaires.
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Vendredi dernier, des hauts commandants de l’armée se sont rendus à Gamboru, une zone frontalière instable avec le Cameroun, et ont promis le déploiement de troupes supplémentaires.
Boko Haram a pris les armes en 2009 pour combattre l’éducation occidentale et imposer une interprétation extrémiste de la charia. Le conflit s’est étendu aux pays voisins du nord du Nigeria, causant la mort d’environ 35 000 civils et le déplacement de plus de deux millions de personnes, selon l’ONU.
Lors de la dernière attaque, la semaine dernière, dans le village de Jajibo (État de Borno), des terroristes ont tué neuf membres d’une milice locale soutenant l’armée nigériane. Selon un communiqué du groupe et des travailleurs humanitaires, les soldats avaient fui leur base après avoir appris l’avancée des combattants de Boko Haram.
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La zone de Hawul, notamment la région de Nilni Kwari dans le Borno, compte plusieurs villages touchés. Certains habitants, dont Kwari, étudiante en master à Maiduguri, affirment que le retour chez eux est impossible en raison de l’insécurité.
Où est l’armée dans tout cela ?
Selon Ali Abani, témoin informé des opérations militaires à Dikwa (État de Borno), les bases militaires sont sous-effectives et situées dans des zones reculées, les rendant vulnérables. « Lorsque les combattants attaquent, ils prennent le dessus sur les soldats », déclare-t-il.
Il ajoute que les renforts — aériens ou terrestres — arrivent souvent trop tard, laissant le temps aux assaillants de piller les postes avancés pour renforcer leur propre arsenal. Il se souvient d’une attaque survenue le 12 mai, où les soldats ont fui faute de nombre, permettant aux terroristes de voler des armes.
Des rapports évoquent également d’anciens combattants qui, après avoir prétendu se repentir, agissent comme informateurs ou logisticiens pour les groupes armés.
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Pourquoi l’influence de l’État islamique s’étend-elle ?
Selon Malachy Samuel, chercheur à l’ONG Centre for Democracy and Development, le succès de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (branche de Boko Haram) s’explique par :
- son expansion régionale après avoir affaibli son rival (Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin),
- sa structure décentralisée, facilitant des attaques coordonnées dans plusieurs zones.
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Il précise que l’imprévisibilité des attaques démontre la sophistication stratégique croissante de l’organisation. Le soutien logistique en provenance de l’EI en Irak et en Syrie reste déterminant, note Samuel.
Ce soutien se traduit par :
- des raids nocturnes,
- des attaques rapides à l’arme légère,
- l’usage de drones commerciaux modifiés pour larguer des explosifs.
Deux factions
Boko Haram s’est divisé en deux factions :
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- L’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) – soutenu par Daech, cible principalement l’armée. Il est responsable d’au moins 15 attaques sur des sites militaires cette année, tuant des soldats et volant leurs armes.
- Jama’at Ahl al-Sunna lil-Da’wa wal-Jihad – s’en prend surtout aux civils et utilise l’enlèvement et le vol comme moyens de financement.
En mai, l’ISWAP a attaqué plusieurs zones : Gajibo, Boni Gari, Marte, Izge, Rann, ainsi que la base conjointe Nigeria-Cameroun à Wulgo et Soueram. D’autres attaques nocturnes ont été menées à Malam Fatori, Goniri, Sabon Gari, Wajiroko, Monguno, etc.