Moyen-Orient

Les cinq griffes : Enquête sur les services de renseignement des Houthis


À travers un réseau complexe d’appareils de collecte d’informations directement subordonnés à leur chef, les Houthis consolident les fondements d’un « État de la peur » dans les zones qu’ils contrôlent, s’inspirant de mécanismes similaires à ceux employés par l’Iran.

Depuis leur création dans les années 1980, les Houthis ont misé sur des cellules de renseignement pour espionner et collecter des informations, avant de mettre en place leur premier organe sécuritaire : l’Appareil de Sécurité Préventive, vers la fin de l’année 2006.

Avec un large soutien iranien, le chef houthi Taha Al-Madani (tué dans une frappe de la coalition en 2015) a été chargé de fonder cet appareil pour prévenir toute infiltration, surveiller les membres de la milice et exploiter les tensions tribales afin de préserver l’influence du groupe.

Aujourd’hui, après plus de vingt ans de conflits, les Houthis disposent de cinq principaux organes de renseignement, dont certains imitent directement la structure des services iraniens, qui en comptent plus de seize, selon plusieurs rapports.

Les principales informations sur ces cinq griffes sécuritaires des Houthis, toutes placées sous le contrôle du « Bureau du Leader », dirigé par Abdulmalik Al-Houthi.

1. L’Appareil de Sécurité Préventive

Fondé par Taha Al-Madani – surnommé en interne « l’ombre du leader » – avec le concours d’officiers iraniens, il s’inspire du modèle des services du Corps des Gardiens de la Révolution iranienne.

L’appareil est aujourd’hui dirigé par Ahsan Abdullah Al-Humran, alias Abou Hassan, considéré comme l’un des hommes les plus proches, puissants et dignes de confiance d’Abdulmalik Al-Houthi, auquel il est lié par alliance familiale.

Cet organe est considéré comme le plus dangereux et le plus opaque. Il est contrôlé en majorité par des membres originaires de Saada, notamment Hassan Al-Humran (adjoint), Abdelazim Al-Izi (directeur adjoint) et Taha Al-Dailami (chef des enquêtes).

Selon plusieurs sources, l’appareil comprend au moins sept divisions, souvent dirigées par des membres de la famille Al-Humran : opérations extérieures, surveillance et analyse, contre-espionnage, lutte antiterroriste, contrôle des aéroports, sécurité des personnalités, et services économiques.

Des antennes sont présentes dans toutes les provinces sous contrôle houthi : Saada (Abdel-Fattah Al-Humran), Sanaa (Mohammed Haidara), capitale (Abdullah Al-Amir), Hodeïda (Fouad Al-Washli), Marib (Ghaleb Abu Nab), Dali (Ismaïl Al-Washli).

Missions principales :

  • Protection du chef et des cadres de la milice 
  • Sécurisation des unités de missiles et de drones 
  • Surveillance des recrues, filtrage des candidats aux « cours culturels » 
  • Contrôle des rapports internes et détection des défections 
  • Détention et interrogatoire de cadres soupçonnés de trahison 
  • Accueil d’éléments étrangers issus de Daech et Al-Qaïda, coordination des combats 
  • Gestion de plus de 46 centres de détention secrets 
  • Siège à l’ambassade des Pays-Bas à Sanaa 

2. Appareil de Sécurité et de Renseignement

Créé en 2019 après la fusion des services de sécurité politique et nationale. Dirigé par Abdelhakim Al-Khiwani (Abou Al-Karar), secondé par Abdelkader Al-Shami.

Inspiré du Ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité nationale, ce service mobilise des cadres radicaux comme Abdelrab Jurfan, Fawaz Nashwan et Hassan Al-Marani.

Ses sections internes comprennent : sécurité intérieure (Abou Imad), affaires économiques (Khaled Khalil), division 30 (Abou Owais), opérations extérieures (Hassan Al-Kahlani).

Utilise le groupe « Oil Alpha » pour les missions d’espionnage, via l’infrastructure du ministère des Télécoms.

Missions principales :

3. Appareil de Sécurité de la Révolution

Créé en 2022, dédié à la sphère militaire et aux fronts de guerre. Dirigé par Jaafar Al-Murhabi, 42 ans, originaire de Razeh (Saada), proche de la famille du chef houthi.

Supervisé directement par Abdulmalik Al-Houthi, ce service agit comme une autorité de coordination supérieure entre les autres appareils, à l’image du ministère iranien du Renseignement (Etelaat).

4. Service de Renseignement de la Police

Officiellement fondé en août 2023 sur les vestiges de la « police communautaire », ce service est dirigé par Ali Hussein Al-Houthi, fils du fondateur du mouvement. Siège dans les anciens locaux de l’ambassade de Jordanie.

Comprend 15 enquêteurs, 30 agents spécialisés en surveillance des réseaux sociaux, et une unité féminine encadrée par Ibtisam Al-Mahthouri, superviseure de la sécurité à Sanaa.

Missions principales :

  • Surveillance des quartiers et mouvements d’étrangers 
  • Enregistrement des propriétaires et locataires 
  • Diffusion de propagande idéologique 
  • Répression des critiques, infiltration des groupes sociaux 
  • Recrutement d’enfants et femmes vulnérables 
  • Contrôle du réseau des « Zeinabiyat », unité féminine d’intimidation 
  • Lutte contre la « guerre douce », via une cellule spéciale dirigée par Fadl Ahmad Ali Setin, assisté d’une unité de 100 hommes et 15 femmes 

5. Service de Renseignement Militaire

Dirigé par Abu Ali Al-Hakem, également classé terroriste par les États-Unis et l’ONU. Ce service imite le bureau du renseignement militaire de l’armée iranienne.

Il coordonne plus de 60 officiers présents sur 35 fronts, mais selon une évaluation interne de 2024, la majorité aurait été nommée selon des critères clientélistes, sans compétences suffisantes.

Les conclusions internes recommandent le remplacement de 73 officiers dans les régions de Dhale, Marib, Taëz, Hodeïda et Saada.

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