Benghazi au cœur du jeu régional : Manœuvres diplomatiques en pleine instabilité à Tripoli

Les autorités de Benghazi ont accueilli ces derniers jours plusieurs délégations de haut niveau venues du Niger et du Tchad, tandis que le vice-ministre russe de la Défense est arrivé dans un contexte de tensions croissantes à Tripoli et d’appels à dissoudre le gouvernement d’union dirigé par Abdelhamid Dbeibah.
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Benghazi s’impose de plus en plus comme un centre stratégique dans la reconfiguration de l’équilibre sécuritaire régional. Ces derniers jours, la ville a été le théâtre d’intenses activités politiques, militaires et diplomatiques de haut rang, alors que la capitale Tripoli est secouée par une escalade de violences et des appels populaires et institutionnels croissants à mettre fin au mandat de Dbeibah. Ce regain d’activité survient dans un contexte de reconfiguration des alliances régionales, marqué par un retrait progressif des puissances occidentales et une avancée méthodique de la Russie.
Dans ce cadre, les autorités de Benghazi ont reçu des délégations officielles du Niger et du Tchad, simultanément à l’arrivée du vice-ministre russe de la Défense, Yunus-bek Yevkurov. Cette convergence diplomatique souligne l’importance géopolitique grandissante de Benghazi et du maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne. Ces visites ont coïncidé avec la commémoration du 11e anniversaire de l’« Opération Dignité », moment clé de la trajectoire politico-militaire menée par Haftar depuis 2014 dans l’est libyen.
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Parmi ces visites, celle du ministre tchadien de la Défense, Issakha Marwa, à l’aéroport Benina, accompagné de hauts responsables militaires, dont le directeur adjoint des renseignements généraux et des conseillers présidentiels, a marqué les esprits. Il a été accueilli par son homologue du gouvernement parallèle de Benghazi, Ahmeed Houma, et plusieurs officiers de l’armée. Officiellement, la visite vise à « renforcer la coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays », dans un contexte d’instabilité croissante au Sahel et de multiplication des attaques djihadistes, notamment par l’État islamique dans le Grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. N’Djamena cherche également à maintenir une coordination avec Benghazi sur le dossier des combattants du Front pour l’alternance et la concorde, accusé d’être responsable de la mort du président Idriss Déby en 2021.
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La délégation nigérienne, dirigée par le ministre de l’Intérieur, le général Mohamed Toumba, était également accompagnée du ministre du Pétrole et de la secrétaire générale du ministère des Mines, signe de la volonté de Niamey d’élargir la coopération à des domaines économiques, en plus de la sécurité. Cette visite s’inscrit dans la stratégie de repositionnement du Niger, qui a quitté la CEDEAO au début de l’année. Le ministère des Affaires étrangères du gouvernement de Benghazi a salué la visite comme une « traduction du dynamisme politique croissant entre les deux pays », mettant en avant les liens historiques et géographiques, ainsi que les défis communs liés à la migration irrégulière et au terrorisme transfrontalier.
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En parallèle, la présence remarquée du vice-ministre russe de la Défense, invité officiellement aux célébrations de l’opération « Dignité », a renforcé la dimension stratégique de cette dynamique. Il a été reçu avec les honneurs par le chef d’état-major de la sécurité, le général Khaled Haftar, et le directeur du renseignement militaire, le général Fawzi al-Mansouri. Cette visite intervient peu après une rencontre à Moscou entre Vladimir Poutine et Khalifa Haftar en septembre dernier, où il a été question d’un éventuel usage stratégique du territoire libyen comme plateforme logistique russe dans la région. Ces démarches s’inscrivent dans une stratégie plus large de Moscou visant à renforcer son influence au Sahel, profitant du vide laissé par les puissances occidentales, des gouvernements civils fragiles, et des récents coups d’État à Niamey, Bamako et Ouagadougou.
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Cette montée en puissance de Benghazi intervient alors que Tripoli est plongée dans une nouvelle vague de violences. Des affrontements violents ont éclaté entre factions rivales soutenant le gouvernement d’union, provoquant des victimes civiles et relançant les critiques locales et internationales contre l’insécurité persistante. Ces troubles ont ravivé les revendications populaires et parlementaires pour mettre fin au mandat de Dbeibah. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes pour réclamer un gouvernement capable de restaurer les services publics et la souveraineté de l’État. Des voix s’élèvent au Parlement et au Conseil d’État en faveur de la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale pour mettre fin aux divisions.
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Dans ce contexte fragmenté, Haftar semble tirer profit du chaos tripolitain pour renforcer sa stature de figure incontournable, soutenue par les voisins africains et la Russie. Des sources diplomatiques indiquent que des émissaires de son commandement ont mené des visites discrètes ces derniers mois au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, afin d’installer une nouvelle architecture d’alliances avec les régimes militaires en place.
La visite de son fils Saddam Haftar à Niamey en septembre dernier, où il a rencontré le président nigérien Abdourahamane Tchiani et reçu une médaille d’honneur, constitue une étape clé dans cette stratégie. Dans un paysage politique libyen fracturé et un Sahel en pleine recomposition, la Russie – avec l’appui d’alliés comme Haftar – semble en passe de redessiner les rapports de force. Benghazi apparaît désormais non seulement comme un bastion militaire, mais aussi comme une plaque tournante régionale susceptible de bouleverser les équilibres géopolitiques, surtout si le chaos persiste à Tripoli.
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