La nourriture comme arme : comment les groupes djihadistes exploitent la famine pour étendre leur influence en Afrique

La pénurie alimentaire croissante en Afrique exacerbe les tensions et la compétition autour des ressources essentielles, en particulier dans les communautés les plus vulnérables. Ce contexte renforce le risque de violence. Pour plusieurs analystes, la nourriture ne constitue pas uniquement un facteur ou une victime des conflits : elle est devenue un outil stratégique central dans la manière dont les groupes djihadistes combattent, gouvernent et assurent leur survie.
-
Les perturbations géopolitiques détournent l’attention mondiale des groupes terroristes
-
Augmentation des crimes des organisations terroristes depuis le début de 2025… Quels sont les détails ?
Selon le journal londonien Al-Arab, des groupes terroristes se servent de la nourriture pour défier l’autorité des États, accroître leur popularité et asseoir leur pouvoir. En exploitant l’insécurité alimentaire, ces groupes parviennent à s’imposer dans des territoires disputés et à affaiblir les forces antiterroristes, poussant les autorités à se retirer de certaines zones.
Ce phénomène a des conséquences humanitaires graves : utiliser la nourriture comme une arme aggrave les crises déjà existantes, provoque le déplacement des populations dans des contextes fragiles, et alimente des dynamiques d’instabilité qui peuvent finir par affecter les groupes armés eux-mêmes, en réduisant leurs ressources et leurs capacités d’action.
-
Comment la branche de Daech en Somalie a-t-elle réussi à établir un réseau d’influence dépassant les frontières locales ?
-
L’homme fort de l’État islamique est un financier somalien mystérieux… Découvrez qui il est
L’instrumentalisation de la faim : Boko Haram et les Shebab en ligne de front
Depuis la fin des années 2000, Boko Haram au Nigeria et les Shebab en Somalie ont mené des combats violents contre les forces de sécurité locales, avec l’objectif de renverser les gouvernements et d’imposer leur influence. Ces deux groupes ont étendu leur présence dans des régions déjà affectées par une forte insécurité alimentaire, comme l’État de Borno au nord-est du Nigeria et le sud de la Somalie — des zones historiquement marquées par des tensions entre la population et les autorités.
Les habitants de ces régions se plaignent d’une marginalisation socio-économique, du manque de services de base et d’un taux élevé de chômage. Boko Haram et les Shebab ont su exploiter ces inégalités pour gagner la sympathie des populations locales, en se positionnant comme substitut à l’État dans la distribution de ressources vitales.
-
Burkina Faso renforce sa lutte contre le terrorisme : nouvelles brigades dans les « zones vulnérables »
-
L’émergence d’un nouveau groupe djihadiste aggrave les problèmes de sécurité du Nigéria
Des rapports indiquent que Boko Haram a distribué des denrées comme des biscuits, du riz et des pâtes à des villages marginalisés. Comme l’a déclaré un habitant de Borno, les djihadistes ont fait preuve d’« attention et d’affection » en répondant aux besoins des populations. Les Shebab ont suivi une approche similaire au sud de la Somalie, offrant des repas, des biens de consommation et soutenant l’agriculture locale afin de renforcer leur enracinement et attirer de nouveaux combattants.
Une tactique punitive : la faim comme outil de répression
Parallèlement à ces actions de séduction, les deux groupes ont adopté des méthodes coercitives, notamment la privation de nourriture comme moyen de punir les civils jugés hostiles ou coopérant avec les autorités.
-
La Mauritanie met en garde : la région du « Sahel africain » est l’une des zones de crises les plus graves au monde
-
Pourquoi le groupe somalien « Al-Shabaab » est-il l’un des bras les plus importants des réseaux terroristes transfrontaliers ?
Boko Haram a attaqué systématiquement les infrastructures alimentaires, brûlant des récoltes, interdisant l’agriculture et la pêche, allant jusqu’à empoisonner des sources d’eau. Lors de la famine en Somalie entre 2011 et 2012, les Shebab ont entravé l’action des agences humanitaires afin d’empêcher la distribution d’aide alimentaire et limiter la présence occidentale dans les territoires qu’ils contrôlent.
Ces tactiques ont exacerbé l’insécurité alimentaire dans des régions déjà vulnérables. En quinze ans, elles ont contribué à l’effondrement de la production agricole, à la désorganisation des chaînes d’approvisionnement, et à l’appauvrissement généralisé, provoquant des vagues massives de déplacements internes.
-
L’armée malienne et ses alliés utilisent des drones dans une attaque contre les Touaregs
-
Al-Qaïda revendique la responsabilité de la mort de dizaines de membres de Wagner au Mali
Un effet boomerang pour les djihadistes ?
Si ces pratiques ont permis à Boko Haram et aux Shebab d’étendre leur pouvoir à court terme, elles ont également eu un impact négatif sur leur propre survie. La destruction des ressources locales a réduit leur approvisionnement, affaibli leurs bases économiques et limité leur capacité à recruter de nouveaux membres.
Ainsi, l’utilisation de la faim comme arme se retourne progressivement contre les groupes armés, menaçant leur durabilité à long terme dans un contexte de plus en plus instable.
-
Daech revient avec de nouveaux outils : Lesquels ?
-
La Mauritanie craint la rupture des liens entre les pays du Sahel et le renforcement de l’emprise des terroristes