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Enquête : L’armée soudanaise mène-t-elle une campagne silencieuse de purification ethnique dans l’Ouest du pays ?


Depuis l’intensification du conflit opposant l’armée soudanaise aux Forces de soutien rapide (FSR), plusieurs villages de l’Ouest du Soudan — notamment dans les régions du Darfour occidental et du Sud-Kordofan — se sont transformés en champs de ruines. Bien que les affrontements soient souvent attribués aux deux parties, des témoignages de terrain et des documents issus d’organisations de défense des droits humains mettent en cause directement certaines unités de l’armée, accusées d’exécutions sommaires, de destruction de villages entiers et de déplacements forcés à caractère ethnique.

Une fosse commune à Mukjar

En mars 2025, une fosse commune contenant plus de 30 corps, principalement des femmes et des enfants, a été découverte dans la ville de Mukjar, dans l’État du Darfour occidental. Selon des témoins oculaires et l’ONG américaine « Enough Project », plusieurs victimes avaient les mains liées, certaines ayant été brûlées après leur exécution.

Récits glaçants : « Vous êtes des esclaves, vous devez partir »

Abdelhafiz Youssef, 34 ans, rescapé du village incendié de Tandlti, témoigne : « Ils sont arrivés en tenue militaire, disant que nous abritions des rebelles… puis ils ont ouvert le feu au hasard. J’ai vu mes voisins égorgés à la baïonnette. Ils nous ont dit : Vous êtes des esclaves, vous n’avez pas votre place ici. »

Ce discours imbibé de racisme, combiné à une violence systématique, ravive les souvenirs sanglants du passé de la région, dans un contexte d’absence totale de surveillance internationale et d’une opinion mondiale absorbée par la guerre à Khartoum.

Vers une politique de purification organisée ?

Les rapports de plusieurs ONG, dont la Fédération internationale des droits humains, révèlent un schéma récurrent dans les zones passées sous contrôle de l’armée : invasion brutale, arrestations massives, exécutions ciblées selon l’origine ethnique, incendies de maisons et de fermes, suivis de déplacements forcés.

Des listes de noms et des exécutions ciblées ont été recensées dans le Darfour central, où des civils issus des ethnies Four et Massalit sont arrêtés dans des centres secrets. On leur demande leur appartenance tribale ; ceux qui répondent honnêtement sont souvent considérés comme une menace à éliminer, selon des témoignages obtenus de manière confidentielle.

Bombardements aériens indiscriminés

L’aviation militaire soudanaise aurait mené plusieurs raids contre des localités densément peuplées, comme Qolo et Nertiti, sans aucune présence de groupes armés, selon des rapports d’organisations humanitaires locales.

Silence des autorités et soupçons de complicité

Alors que les autorités militaires nient toute implication, elles refusent catégoriquement l’accès aux zones touchées à toute mission indépendante. Cette fermeture alimente les soupçons d’une volonté délibérée de dissimuler des preuves de crimes de purification ethnique.

Un avocat soudanais, sous couvert d’anonymat, a affirmé à [nom du média] : « Des acteurs influents au sein de l’armée considèrent ces régions comme un réservoir démographique pour les FSR. Leur objectif est de vider ces territoires sous prétexte de guerre. »

L’inaction internationale

Malgré des déclarations préoccupantes de la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui évoque des crimes potentiels contre l’humanité, aucune intervention concrète n’a encore eu lieu.

L’Union africaine s’est limitée à des appels à la retenue, tandis que le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas réussi à instaurer une commission d’enquête internationale, bloqué par des États soutenant le régime de Khartoum.

L’organisation Genocide Watch classe la situation dans l’Ouest soudanais au huitième niveau de l’échelle du génocide (persécution systématique), estimant qu’un nettoyage ethnique à grande échelle est probable si aucun effort international sérieux n’est engagé.

Une tragédie ignorée

Alors que la guerre fait rage à Khartoum, un autre conflit s’enlise silencieusement dans les terres de l’Ouest, où une politique d’exclusion ethnique semble se déployer dans l’indifférence générale.

Les responsables seront-ils un jour jugés ?
Ou bien ce chapitre sanglant rejoindra-t-il les autres pages oubliées de l’histoire du Soudan, dissimulé sous les termes de « guerre civile » ou de « lutte contre l’insurrection » ?

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