Le nucléaire iranien revient sur le devant de la scène… et Trump cherche une percée politique

Incapable de tenir ses promesses électorales de paix rapide à Gaza et en Ukraine, le président américain Donald Trump se tourne vers un autre défi tout aussi difficile : contenir le programme nucléaire iranien qui ne cesse de progresser.
-
Entre escalade et désescalade : comment Trump gérera-t-il l’Iran ?
-
Trump donne à l’Iran deux mois pour négocier un nouvel accord nucléaire
Son administration prévoit une deuxième série de pourparlers avec l’Iran, prévue demain samedi à Rome — une rencontre que peu auraient imaginée possible, étant donné les années d’hostilité remontant à son premier mandat, lorsqu’il s’était retiré de l’accord nucléaire de 2015 et avait adopté une politique de “pression maximale” contre Téhéran via des sanctions destinées à paralyser le pays.
Bien que personne n’écarte la possibilité de progrès après une réunion tenue en début de semaine à Oman — qualifiée de positive par les deux parties — les négociateurs restent prudents et n’espèrent pas un règlement rapide d’un différend vieux de plusieurs décennies.
-
Nucléaire iranien : Téhéran en attente d’un message de Trump via un « pays arabe »
-
Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, exhorte au renforcement de la puissance militaire pour contrer les menaces de Trump
Un responsable informé d’une réunion à la Maison-Blanche mardi a indiqué que les discussions autour d’un accord-cadre nucléaire potentiel en sont encore à leurs tout débuts entre les conseillers de Trump. Deux autres sources proches du dossier ont indiqué qu’un accord provisoire pourrait précéder un accord plus complet.
Les menaces répétées de Trump de bombarder les sites nucléaires iraniens si aucun accord n’est trouvé accentuent les tensions régionales et compliquent les efforts diplomatiques.
Cela signifie que Trump — qui s’était présenté comme “faiseur de paix” lors de son discours d’investiture du 20 janvier — pourrait entraîner les États-Unis dans un nouveau conflit au Moyen-Orient.
-
Trump et l’Iran : 4 scénarios possibles, dont le « choc et effroi »
-
Trump promeut un nouvel accord nucléaire avec l’Iran pour éviter une option militaire
Jeudi, Trump a déclaré ne pas être pressé de frapper l’Iran, soulignant que la négociation restait sa priorité. Lors d’une réunion avec la Première ministre italienne Giorgia Meloni à la Maison-Blanche, il a affirmé : « Si une seconde option existe, elle serait très mauvaise pour l’Iran. Je pense que l’Iran veut dialoguer. J’espère qu’ils le veulent. Ce serait très bon pour eux s’ils le faisaient. »
L’équipe américaine de négociation est dirigée par Steve Witkoff, un ami de Trump et investisseur immobilier sans expérience diplomatique antérieure, que certains analystes surnomment “l’émissaire de tout”. Il est chargé de conclure un accord avec l’Iran, tout en essayant aussi de mettre fin aux guerres en cours à Gaza et en Ukraine.
-
Pezeshkian met en garde Trump contre une guerre contre l’Iran
-
Accord ou frappe ? Options limitées pour Trump face à l’Iran
En face, le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araqchi, négociateur chevronné, est considéré par certains diplomates occidentaux comme susceptible de tirer avantage du manque d’expérience de Witkoff.
Jonathan Panikoff, ancien responsable des services de renseignement américains pour le Moyen-Orient, a déclaré : « Jongler entre Gaza, l’Ukraine et l’Iran représente un défi cognitif pour n’importe qui. » Il a ajouté, aujourd’hui chercheur au Atlantic Council, que cela était particulièrement vrai pour l’Iran, compte tenu de la complexité technique, historique, géopolitique et régionale du dossier.
Witkoff dispose toutefois d’un atout : une ligne directe avec Trump, ce qui pourrait indiquer aux Iraniens qu’il transmet les intentions du président en personne.
-
Le retour de Trump pousse des puissances européennes à exiger une augmentation des pressions sur l’Iran
-
L’Iran laisse une porte ouverte à un dialogue avec Trump et se prépare à de nouvelles sanctions
Mais seul le temps dira si cela profitera réellement aux efforts de l’administration pour conclure un accord.
Zone d’ombre
Les déclarations récentes de Witkoff ont semé la confusion autour de la stratégie de Trump vis-à-vis de l’Iran.
-
La guerre à Gaza détourne l’attention de Washington sur le programme nucléaire iranien
-
Des rapports de renseignements dévoilent des secrets sur le programme nucléaire iranien
Avant les pourparlers du samedi précédent, il avait déclaré au Wall Street Journal que la « militarisation » du programme nucléaire serait la ligne rouge — semblant ainsi reculer par rapport à la demande initiale de Trump de démantèlement total du programme iranien.
Il a ensuite déclaré à Fox News, lundi soir, que l’Iran pourrait être autorisé à enrichir l’uranium à faible niveau, à condition de respecter des mécanismes de contrôle stricts, avant de revenir sur ces propos mardi en affirmant sur X que l’Iran devait « abandonner » son programme d’enrichissement.
-
L’Iran n’exclut pas de communiquer avec Trump pour préserver ses intérêts
-
L’Iran nie son implication dans une tentative d’assassinat de Trump après des accusations américaines
Araqchi a répondu mercredi que « le principe de l’enrichissement n’est pas négociable ».
Les sanctions sévères imposées à l’Iran semblent avoir contribué à ramener ce pays membre de l’OPEP à la table des négociations. Toutefois, Téhéran — qui rejette depuis toujours les accusations occidentales et israéliennes de vouloir se doter de l’arme nucléaire — aborde les discussions avec prudence, se montrant méfiante à l’égard de Trump et de la faisabilité d’un accord.
Depuis le retrait américain de l’accord nucléaire de 2015 sous la première présidence Trump, l’Iran a largement dépassé les limites fixées, accumulant des stocks d’uranium enrichi à un niveau proche de celui requis pour la fabrication d’armes nucléaires.
-
Wall Street Journal : Trump va relancer la campagne de « pression maximale » contre l’Iran
-
La montée en puissance de Trump pousse l’Iran à réfléchir aux conséquences d’une attaque potentielle contre Israël
Un bilan diplomatique mitigé
L’annonce surprise de Trump le 7 avril sur la reprise des pourparlers avec l’Iran a mis en lumière le rôle central de Witkoff dans la politique étrangère de l’administration.
Son bilan reste mitigé. Il n’a pas réussi à conclure d’accord entre la Russie et l’Ukraine, en guerre depuis 2022. Mais peu avant l’entrée en fonction de Trump, il avait participé à un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a rapidement échoué.
Le risque d’une intervention militaire américaine ou israélienne continue de peser sur la région. Depuis l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas, Israël a réussi à affaiblir considérablement l’influence régionale de l’Iran et a démontré sa capacité à frapper ses sites nucléaires.
-
Le Retour Possible de Trump au Pouvoir, un Cauchemar pour l’Iran
-
Trump reçoit un rapport des services de renseignement concernant des « menaces iraniennes » pour l’assassiner
Pris de court par la décision de Trump de négocier avec l’Iran, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé à un accord de dénucléarisation sur le modèle libyen de 2003 — une proposition que Téhéran a peu de chances d’accepter.
Certains analystes estiment qu’en dépit des nombreux obstacles, un accord bilatéral entre les États-Unis et l’Iran pourrait être plus accessible pour Trump qu’un accord de paix durable à Gaza ou en Ukraine.
Laura Blumenfeld, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université Johns Hopkins, explique : « Lorsqu’il s’agit d’un accord nucléaire, les États-Unis peuvent exercer un certain contrôle. » Elle ajoute : « Les deux parties sont prêtes et motivées à désamorcer les tensions nucléaires. »