Un accord secret entre le renseignement turc et Hayat Tahrir al-Cham… Quels en sont les détails ?
Le site Nordic Monitor a révélé l’existence d’un accord secret entre l’agence de renseignement turque et Hayat Tahrir al-Cham (HTS), anciennement connue sous le nom de Jabhat al-Nosra. Dans le cadre de cet accord, le groupe djihadiste s’est engagé à s’abstenir de mener des attaques sur le sol turc en échange d’un soutien logistique, d’armes, de combattants et de financements facilités ou transitant par la Turquie.
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Cet accord, conclu au début de la guerre civile syrienne, stipulait que HTS, alors dirigé par Ahmed al-Charaa (connu sous le nom d’Abou Mohammad al-Joulani), concentrerait ses efforts sur le renversement du régime de Bachar al-Assad tout en garantissant que ses combattants ne mèneraient aucune attaque en Turquie.
Al-Charaa a respecté ses engagements, et HTS n’a mené aucune attaque en Turquie. Bien qu’Ankara ait officiellement classé le groupe comme organisation terroriste, l’ayant interdit et inscrit sur la liste des entités terroristes en raison de ses liens avec Al-Qaïda, l’organisation a pourtant opéré librement dans le pays. Elle a pu collecter des fonds, recruter des combattants, obtenir des armes et des approvisionnements et même accéder à des renseignements stratégiques qui lui ont permis de mener des attaques efficaces en Syrie, selon le Centre arabe d’études sur l’extrémisme.
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Parallèlement, le gouvernement islamiste du président Recep Tayyip Erdoğan a publiquement tenu un discours différent sur Hayat Tahrir al-Cham, laissant croire que la Turquie se conformait aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le terrorisme. Cette façade a été maintenue à travers des opérations de police orchestrées contre certains réseaux du groupe en Turquie.
D’après plusieurs documents judiciaires et rapports des forces de l’ordre turques, HTS a été officiellement classée comme organisation terroriste sous différentes appellations : Jabhat al-Nosra, Jabhat Fatah al-Cham et Hayat Tahrir al-Cham. Ces documents, examinés par Nordic Monitor, mettent en évidence les liens historiques entre HTS et Al-Qaïda, soulignant que ce groupe représente une menace pour la sécurité nationale turque, et ce, malgré sa déclaration ultérieure de rupture avec Al-Qaïda.
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Les documents révèlent également que HTS recrute des combattants et collecte des fonds en Turquie, transporte des mineurs turcs vers le champ de bataille syrien, facilite l’entrée de combattants étrangers en Syrie via la frontière turque, enlève des personnes pour obtenir des rançons en Syrie et participe à des actes violents et coercitifs. De plus, le groupe est impliqué dans le trafic illégal de reliques historiques entre la Syrie et la Turquie.
Dans plusieurs jugements rendus jusqu’en 2024, la Cour de cassation turque a qualifié HTS de groupe terroriste armé, soulignant qu’il utilisait la force, la violence, l’intimidation et la menace pour saper l’ordre constitutionnel turc, mettre en péril la sécurité de l’État, perturber l’ordre public et poursuivre des objectifs illégaux.
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« Bien que le groupe ait déclaré ne plus prêter allégeance à Al-Qaïda, son fondement idéologique, sa philosophie et son approche opérationnelle restent profondément ancrés dans l’idéologie d’Al-Qaïda« , selon un document judiciaire daté du 2 mai 2023.
Le site Nordic Monitor affirme que le gouvernement Erdoğan joue un double jeu : tout en prétendant lutter contre les réseaux terroristes, il collabore secrètement avec eux, les soutient et les encourage en mobilisant diverses ressources. Sous la direction de Hakan Fidan, l’actuel ministre turc des Affaires étrangères, les services de renseignement turcs ont activement coopéré avec HTS, considérant al-Charaa et ses hauts dirigeants comme des atouts stratégiques et des agents au service de l’agenda du gouvernement Erdoğan.
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Le gouvernement turc a volontairement ignoré la désignation d’al-Charaa comme terroriste par les États-Unis en 2012 et son inscription sur la liste des sanctions de l’ONU en 2014. Ce n’est qu’en raison d’une pression internationale croissante qu’Erdoğan a fini par accepter d’appliquer des sanctions contre al-Charaa, lors d’une réunion du Conseil des ministres le 7 novembre 2016. Toutefois, cette décision n’a été officiellement mise en œuvre qu’après sa publication au Journal officiel le 24 novembre 2016.