Politique

Discussions entre le Qatar, l’Iran et la Turquie pour maintenir le Hamas dans l’équation du pouvoir à Gaza


La rencontre d’une délégation du mouvement avec Erdoğan à Ankara et celle d’Araghtchi à Doha ne peuvent être dissociées du débat actuel sur l’avenir de Gaza et des tentatives de Washington d’empêcher le Hamas de reprendre le contrôle de l’enclave.

Les réunions à l’étranger organisées par des délégations du Hamas constituent une tentative de contrer les pressions exercées par l’administration du président Donald Trump pour évincer le mouvement palestinien du pouvoir à Gaza et lui trouver des alternatives. Ces efforts interviennent notamment après les appels du secrétaire d’État américain Marco Rubio, lors d’un entretien avec son homologue égyptien Badr Abdel-Aty, à tenir le Hamas pour responsable et à l’empêcher de gouverner à l’avenir. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le mouvement propose une initiative politique concernant l’avenir de la bande de Gaza.

La rencontre entre une délégation du Hamas et le président turc Recep Tayyip Erdoğan à Ankara mercredi, ainsi que la réunion imminente entre le ministre iranien des Affaires étrangères et des hauts responsables du Hamas à Doha, sont directement liées à ce débat sur l’avenir de l’enclave et aux acteurs qui seront en charge de sa gestion.

Certains experts évoquent des arrangements entre le Qatar et l’Iran visant à maintenir le Hamas au sein du cadre du pouvoir à Gaza, ainsi qu’un éventuel plan de relocalisation des dirigeants du mouvement hors de Doha, en raison des pressions exercées sur l’émirat pour éloigner ses représentants.

Il ne fait aucun doute que, bien que le Hamas ait résisté à la machine militaire israélienne, il ne sera pas en mesure de gérer Gaza seul à l’avenir, notamment en raison des destructions massives infligées à l’enclave. Israël a certes échoué à démanteler complètement le mouvement, mais le Hamas en ressort affaibli, malgré les démonstrations de force affichées lors de la libération de plusieurs otages.

Le Hamas considère la Turquie comme un allié fiable dans les efforts de reconstruction. Lors de leur rencontre avec Erdoğan, Khaled Mechaal, Khalil al-Hayya, Zaher Jabarin, Mohammed Nasser et Moussa Akari ont discuté de l’évolution de la question palestinienne, de l’application de l’accord de cessez-le-feu et de l’échange de prisonniers avec Israël, mené sous médiation qatarie et égyptienne.

Les discussions ont également porté sur les besoins urgents des Palestiniens en matière d’abris, d’aide humanitaire et de reconstruction, un point central pour le Hamas dans un contexte de destruction systématique des infrastructures de vie dans le nord de la bande de Gaza.

Le président turc a salué la résilience du peuple palestinien et réaffirmé l’engagement d’Ankara à soutenir les droits des Palestiniens à tous les niveaux et sur toutes les scènes internationales, ce qui signifie que la Turquie continuera à appuyer politiquement le Hamas malgré les critiques occidentales.

Israël a vivement attaqué la Turquie durant la guerre, l’accusant de soutenir le Hamas, notamment après la décision d’Ankara de rompre ses relations avec Tel-Aviv en réaction aux bombardements israéliens.

En mai dernier, la Turquie a suspendu toutes ses transactions commerciales avec Israël jusqu’à ce que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza. Le ministère turc du Commerce a déclaré dans un communiqué que les exportations et importations liées à Israël étaient suspendues.

Ankara a également précisé qu’elle ne reprendrait pas les échanges commerciaux, d’un volume annuel estimé à sept milliards de dollars, tant qu’un cessez-le-feu permanent ne serait pas conclu et que l’aide humanitaire ne serait pas acheminée vers Gaza.

Le Hamas reste également attaché au soutien iranien, d’autant plus que le « camp de la résistance » a largement soutenu Gaza durant la guerre, malgré les lourdes frappes subies. Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a même qualifié l’incapacité d’Israël à éliminer le Hamas de victoire pour l’axe iranien. Il est donc certain que le mouvement palestinien discutera de l’avenir de Gaza avec ses alliés iraniens lors de la visite d’Araghtchi à Doha.

Face aux tentatives d’exclusion, le Hamas a besoin d’un soutien politique régional, mais il envisage également une initiative politique pour une gestion conjointe de Gaza qui pourrait être acceptée sur les plans régional et international, malgré l’insistance d’Israël et des États-Unis pour l’écarter totalement du pouvoir.

Le Hamas estime qu’un gouvernement d’union nationale permettrait d’accélérer la reconstruction après la guerre, un objectif central pour le mouvement.

L’après-guerre à Gaza constitue un véritable casse-tête, aucune alternative au Hamas n’ayant émergé, comme l’a démontré la réalité sur le terrain. L’Autorité palestinienne avait d’ailleurs rejeté par le passé une initiative égyptienne proposant une gestion conjointe de la bande de Gaza avec le Hamas et d’autres factions par le biais d’un comité mixte.

En septembre dernier, Osama Hamdan, haut responsable du Hamas, avait évoqué un accord pour la formation d’un gouvernement d’union nationale chargé de l’administration de Gaza après la guerre. Cependant, l’Autorité palestinienne maintient sa méfiance envers le Hamas et insiste sur sa volonté de gérer seule l’enclave.

Israël et plusieurs puissances occidentales estiment qu’un gouvernement palestinien commun à Gaza ne serait qu’une façade masquant le contrôle du Hamas, qui détient toujours un pouvoir effectif sur le terrain.

Tel-Aviv continue d’évoquer la nécessité d’éradiquer le Hamas, ce qui suscite des inquiétudes quant à une possible reprise du conflit une fois achevée la phase des échanges d’otages dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu.

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