Le Sahara, un dossier central pour définir la trajectoire des relations entre Paris et Rabat
Des interrogations persistent quant à la possibilité d'une reconnaissance française future de la marocanité du Sahara, compte tenu de la perception continue que cette question reste essentielle pour Rabat
Un rapport publié par la « Plateforme World View » met en lumière la centralité et l’importance de la question du Sahara marocain dans les tensions observées dans les relations entre Paris et Rabat, malgré les efforts déployés pour dépasser cette phase et dissiper le froid entre les deux pays, en dépit de la présence d’autres dossiers litigieux tels que celui des visas et de l’ingérence française dans les affaires intérieures du Maroc.
Le rapport souligne que le différend entre les deux pays s’est considérablement accentué lors du séisme d’Al Haouz, où le Maroc a accepté l’aide gouvernementale de pays européens comme l’Espagne, le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis et le Qatar, tout en ignorant l’aide française, un message clair de la part de Rabat.
Il fait également référence à l’histoire et à la force des relations entre la France et le Maroc après l’indépendance en 1956, où Paris est restée l’un des principaux partenaires commerciaux de Rabat au cours des dernières décennies. Cependant, cela n’a pas empêché le côté marocain de prendre position vis-à-vis de la France à la lumière du dossier du Sahara marocain, après que le roi Mohammed VI ait considéré que cette question était le baromètre par lequel le Maroc regarde le monde.
Bien que le rejet par le Maroc de l’aide française après le séisme ait été lié à des critères techniques et géographiques, cela n’exclut pas le fait que cela soit lié à la position française sur le dossier du Sahara et l’initiative d’autonomie pour mettre fin au conflit artificiel.
Un chercheur en relations internationales à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris, cité dans le rapport , indique que « depuis le départ des forces coloniales espagnoles de la région du Sahara en 1975, le conflit est resté entre le Maroc et le Polisario soutenu par l’Algérie, tandis que la région reste d’une importance stratégique et une cause nationale sacrée pour le Royaume ».
Il précise que « depuis la fin de la présence espagnole dans la région, la position française est claire, elle ne reconnaît pas la souveraineté marocaine sur le Sahara, mais soutient les positions des Nations unies. Cependant, après que plusieurs pays européens se soient alignés aux côtés des États-Unis pour soutenir la marocanité du Sahara comme l’Espagne et le Royaume-Uni, la position d’attente adoptée par la France a irrité les Marocains et a commencé à attiser les tensions diplomatiques entre les deux pays ».
Le rapport souligne le rôle du président français actuel Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir en 2017 dans la détérioration des relations avec Rabat, avec sa volonté d’améliorer les relations avec l’Algérie, principal soutien du Front Polisario, ce qui contribue au maintien du conflit artificiel.
Il souligne que « les perturbations dans la relation entre Rabat et Paris se sont aggravées après les restrictions imposées par l’administration française en septembre 2021 sur les visas au profit des citoyens de la région du Maghreb arabe, y compris les Marocains, qui ont été levées en décembre 2022, mais cela n’a pas suffi à atténuer les dommages causés dans la relation entre les deux pays, ce qui aggrave davantage la situation par la suite ».
Il note également que « la coopération reste en place entre Rabat et Paris, avec des liens culturels, économiques, sécuritaires et sociaux toujours présents entre les deux pays, et la France reste un centre pour les migrants marocains, en plus du maintien du français comme langue centrale dans le royaume, en plus d’être une base pour les investissements français, renforçant également la coopération dans les questions sécuritaires entre les deux pays ».
Il souligne que « le point d’amélioration a commencé avec l’annonce de la nomination de l’ambassadrice marocaine à Paris en octobre dernier, suivie d’une rencontre entre la Première Dame de la République, Brigitte Macron, avec des membres de la famille royale marocaine fin février dernier, avant que le nouveau ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, ne visite le royaume lors de sa première visite dans un pays du Maghreb ».
Le rapport se demande également « si une reconnaissance française future de la souveraineté marocaine sur les provinces du Sud est envisageable, compte tenu de la reconnaissance par le ministre français des Affaires étrangères de la République française que cette question reste essentielle pour Rabat, ainsi que de sa confirmation que le moment est venu de progresser dans le dossier alors que d’autres pays ont pris des positions très avancées à cet égard ».
Il estime que Paris est désormais convaincue de la perspective marocaine selon laquelle le dossier du Sahara demeure le dossier le plus important pour définir la nature des relations et des politiques étrangères de Rabat.