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20 ans après la loi sur la laïcité dans les écoles françaises, le débat n’est pas apaisé

Specialiste de la laïcité affirme que "le personnel administratif des écoles françaises devait régler des problèmes liés au port du voile presque tous les jours"


Le 15 mars 2004, l’interdiction des signes religieux ou le port de vêtements qui montrent l’appartenance religieuse dans les écoles a été inscrite dans la loi française pour clarifier la question de la laïcité, mais la situation reste floue après 20 ans.

Cette question a été soulevée en 1989 avec l’affaire Kheri dans la banlieue de Paris, lorsque trois filles ont été exclues de l’école pour avoir porté le voile, suscitant un débat intense en France sur la laïcité.

Après des années d’efforts, le président Jacques Chirac a confié à un comité de sages le dossier à l’été 2003. Ce dernier a recommandé l’adoption d’une loi interdisant « le port de signes ou de vêtements manifestant de manière ostentatoire l’appartenance religieuse des élèves », tels que les voiles, les croix et les kippas.

Après 20 ans, « la loi a atteint son objectif en termes quantitatifs purs », selon Ismaël Farhat, spécialiste de la laïcité et conférencier à l’université de Nanterre (banlieue parisienne), qui affirme que « les violations du principe de laïcité liées au port de vêtements restent relativement limitées ».

C’est l’impression générale de plusieurs directeurs d’école. Kamel Aït Bouali, directeur du complexe scolaire Paul Bert à Paris et responsable syndical, déclare qu’il y a « un avant et un après la loi de mars 2004 » et révèle que « le personnel administratif des écoles devait régler des problèmes liés au port du voile presque tous les jours ».

Kamel Aït Bouali, qui a été directeur d’une école dans la région de Seine-Saint-Denis (banlieue parisienne), affirme que « la loi de 2004 a clarifié la situation », même si « certains élèves ne retirent leur voile qu’à proximité immédiate de l’établissement avec une certaine provocation, mais la situation n’est plus comme avant ».

Florence Delanoë, directrice de l’école Montebello à Lille (nord), reconnaît que « la loi était indispensable à l’époque pour nous permettre de retrouver un peu de sérénité », soulignant que « c’était le cas ».

Elle estime que la décision d’interdire le port de l’abaya avant le début de l’année scolaire 2023, prise par le ministre de l’Éducation de l’époque, Gabriel Attal, a également soulagé dans un contexte où les tentatives de contournement de la loi de 2004 s’étendaient relativement.

La multiplication des abayas dans les établissements scolaires à partir du printemps 2022 constitue, selon Yannis Roudier, directeur de l’observatoire de l’éducation à la Fondation Jean-Jaurès, une tentative généralisée de contourner la loi de 2004, mais cette loi reste, même si elle est parfois incomprise et que la laïcité à l’école est souvent remise en question.

Gabriel Attal, aujourd’hui Premier ministre, estime que la laïcité à l’école est « menacée »… « plus que jamais probablement aujourd’hui », notamment avec « l’augmentation du nombre de plaintes contre l’enseignement ».

Des études récentes montrent que les jeunes musulmans français regardent la laïcité avec méfiance. Pour le chercheur Ismaël Farhat, « les conclusions des études et des enquêtes convergent pour montrer » que les jeunes sont « les moins favorables ou les moins favorables à la loi de 2004″, avec un rejet beaucoup plus fort parmi les jeunes des quartiers populaires, les écoles professionnelles et ceux de culture islamique ».

Ce sont souvent ceux qui ont subi « l’expérience la plus négative à l’école », un phénomène « qui se reflète sur la question de la laïcité », car « une partie des musulmans se considèrent toujours comme toujours susceptibles d’être stigmatisés et ciblés », selon Farhat.

Shahd (17 ans), une élève du secondaire à Seine-Saint-Denis, déclare: « Nous acceptons la loi contre notre gré », estimant « injuste » de devoir enlever son voile lorsqu’elle voit autour d’elle « certaines filles portant des croix ». Son camarade Hakima révèle: « Je me sens exclue. Et je ne comprends pas le sens de la laïcité. Elle ne s’applique qu’aux femmes voilées ».

Dès le départ, « certains musulmans ont considéré la loi comme hostile à leur religion. C’est toujours le cas aujourd’hui pour eux », selon Samia Langar, responsable de la laïcité à l’université Lyon 2, dans le centre-est de la France.

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